20/04/2021
J'OCCUPE ! Épisode 5. Molenbike, Local & Fair Transport, c’est un peu le futur de l’entrepreneuriat social. Aujourd’hui, Arnaud nous parle de cette coopérative anti-ubérisation qui s’engage pour l’environnement et pour de meilleures conditions de travail.
Pour lire ce portrait et les autres : http://www.communa.be/accueil/portraits/
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▻ Peux-tu te présenter ? C’est quoi ton projet ici ?
Moi c’est Arnaud, co-fondateur de la coopérative de coursiers à vélo bruxelloise Molenbike, coursier et administrateur. On est six fondateur·ices, il y a une quarantaine de coopérateur·ice·s et une douzaine de coursiers. Le Tri Postal pour nous c’est essentiellement un hub, c’est à dire un endroit où on peut stocker des colis et nos vélos. On a choisi d’intégrer le Tri Postal dans l’idée de faire partie d’une communauté avec des projets bruxellois innovants. C’est un lieu symbolique au niveau logistique. A l’époque il y avait un nombre incalculable de camions qui partaient redistribuer le courrier à travers toute la Belgique. C’est une communauté très hétéroclite et ça c’est génial, malheureusement les contraintes sanitaires font que ces beaux projets ont du mal à s’ouvrir sur le quartier pour l’instant.
▻ Qu’est-ce que vous livrez ?
On livre de tout; notre slogan c’est « du pli à l’armoire normande ». On livre du pain tous les matins pour l’horeca, des plaques d’immatriculation, du fromage, des magazines, de la viande, des fruits et légumes, on fait des courses pour des particuliers parfois. On livre des sapins de Noël aussi !
▻ Qu’est-ce que tu préfères dans ton activité ?
Ce que j’aime dans Molenbike c’est qu’on a toutes les casquettes. L’idée de ce projet c’est de mettre le coursier au centre de la structure. Tout le monde est coursier, tout le monde apporte ses compétences et a l’opportunité de se former en interne. C’est ça que j’aime bien, t’es amené·e à toucher à tout. On a juste besoin de s’organiser et partager nos connaissances, se former, ce qui fait qu’en tant que coursier on sait gérer une structure sans avoir besoin d’un comptable ou d’un chargé de com. La formation c’est d’ailleurs un des grands principes du coopérativisme.
▻ C’est quoi votre cheval de bataille ?
L’objet social de notre coopérative s’articule autour de deux grands axes : l’aspect humain – aller vers de meilleures conditions de travail – et puis l’aspect environnemental. On dit souvent que notre plus gros concurrent ce sont les camionnettes blanches, celles qui sont à moitié vides ou à quart remplies et qui transportent des marchandises qui peuvent tout à fait être transportées à vélo. C’est ça nos grands chevaux de bataille, une mobilité plus douce, un Bruxelles décarboné, et l’aspect humain. Nos emplois sont non-délocalisables, on est ancrés dans un maillage local et c’est ça notre force : un service de qualité et de proximité.
▻ Quel est le problème des services de livraison aujourd’hui selon toi ?
On a bien vu pendant le confinement l’explosion du nombre de colis. Les gens veulent de plus en plus se faire livrer chez eux. Derrière ça, il y a une invisibilisation de la livraison au niveau humain et au niveau écologique. Nous, on essaie de développer une logistique alternative. On a une fédération belge et une autre au niveau européen : CoopCycle, qui est née en France à la suite de Nuit Debout. A l’origine c’est un logiciel qui se concentre sur ce qu’on appelle la FoodTech : Uber Eat, Deliveroo… La volonté c’est de créer une alternative en partant du postulat qu’il y a des gens désireux et capables de monter des structures mais à qui il manque l’outil. Au–delà du logiciel c’est une vraie communauté. Nous on n’est pas complètement contre la FoodTech mais il faudrait essayer de créer une sorte de masse critique de restaurants de qualité qui veulent se fédérer. L’outil on l’a déjà mais ça demande aussi du temps et de l’énergie. On a décidé de ne pas se concentrer là–dessus parce qu’on considère que se faire livrer un plat à domicile c’est pas un service vitale.
▻ Est-ce que vous vous considérez comme une plateforme anti-ubérisation ?
On a différents points de vue là–dessus, beaucoup pensent que monter une boîte en tant que coursier, faire que ça fonctionne et rouler tous les jours c’est déjà un acte militant. Je pense qu’on est anti-ubérisation puisqu’on essaie de se donner des conditions de travail saines, durables, où le coursier a son mot à dire.
▻ Ça veut dire quoi pour toi faire commun ?
En pratique, c’est se réapproprier collectivement certaines choses qui ont été privatisées. La route par exemple, c’est un espace qui est censé être commun, mais qui dans les faits est approprié par la voiture au dépit du piéton et du cycliste. C’est la loi du plus fort qui règne. Faire commun, ce serait partager la route de manière équitable. Pour prendre un autre exemple, ici au Tri Postal, faire commun c’est essayer de mutualiser des choses, trouver d’autres manières de fonctionner sur le plan financier. C’est un peu bête mais, ensemble on est plus forts !
Faire commun c’est aussi sortir de logiques purement individualistes ou capitalistes. C’est remettre un peu de politique et de la force d’action collective dans des villes où les gens sont de plus en plus atomisés et en particulier depuis le confinement.
▻ Avec une baguette magique, tu changerais quoi à Bruxelles ?
Ce qui manque c’est du commun justement. L’avantage quand t’es coursier à vélo c’est que tu connais bien les quartiers et à force d’observer la ville tu comprends comment elle est organisée. Bruxelles c’est beaucoup de petits îlots et peu de zones de rencontres. Il y a le centre-ville et les zones commerciales où les gens se croisent mais ne se mélangent pas. Avec une baguette magique, je ferais en sorte que les gens se mélangent, se parlent et s’organisent pour faire collectif.
▻ C’est quoi ta meilleure balade à vélo à Bruxelles ?
La voie verte et le long du canal, vers Anderlecht. Tu peux même aller un peu plus loin et sortir de la ville, c’est assez chouette. Tu traverses beaucoup de quartiers différents, notamment des zones industrielles. C’est des routes où t’es tranquille sans voiture, y a plus que les pétions à esquiver !
Photo : Benoît Barbarossa