04/05/2024
"Les gens avaient peur d’être envoyés là. Alors ils obéissaient aux mesures, en ignorant que chaque mesure était un pas vers la mort. S’ils avaient su, ils se seraient révoltés, comme l’ont fait les jeunes du ghetto de Varsovie, qui ont préféré mourir en se battant. (…)
Mon père n’était pas très politisé, et donc pas très conscient du danger mortel qui nous entourait. C’était un poète. Il ne pouvait pas imaginer que dans l’Europe du vingtième siècle, de la civilisation et de la culture, l’Allemagne de Goethe, Schiller, Beethoven, Kant, Bach pouvait sombrer dans la barbarie. Du coup, on n’est pas partis (…) Mon père n’a pas compris que nos vies étaient en danger. (…)
Les négationnistes ne sont pas des fous. Ce sont des gens dangereux. Ils nient les crimes d’hier pour en commettre d’autres demain. Ils voudraient achever le travail d’Hi**er. Je parle et je témoigne parce qu’en faisant cela, vous qui m’écoutez ou me lisez, vous devenez des témoins. Ma mission est d’informer tout le monde, notamment les jeunes, des dangers de l’extrême droite, qui est le berceau du racisme, de la haine, du fascisme et de l’antisémitisme dont j’ai été victime. Il faut combattre l’extrême droite, notamment par le devoir de mémoire que j’accomplis aujourd’hui, hier et demain. La combattre aussi par le vote. Tous les partis belges sont démocratiques sauf un, le Vlaams Belang. Et je dis aux Français aussi : « Ne votez pas pour Le Pen. » (…)
Si je parle, enfin, c’est aussi pour les victimes. Hi**er n’a pas tué que des Juifs. Il a tué des Tziganes, des handicapés, des homosexuels, des francs-maçons, des témoins de Jéhovah, des socialistes, des communistes, des démocrates, des poètes… Les Juifs n’ont pas le monopole de la douleur. (…)
Si je vais dans les écoles aujourd’hui, c’est parce qu’il y a un danger. Il faut donc lutter et moi, je lutte comme je peux. C’est une goutte d’eau dans la mer. Mais quelqu’un m’a dit, un jour : « Il y a des gouttes qui font parfois déborder le vase. » (…)
(En 2012,) J’ai reçu un coup de téléphone d’un garçon de seize ans que je ne connaissais pas. Il me demande si je suis d’accord de rencontrer le fils d’un n**i. Pris au dépourvu, j’ai accepté. C’était Koenraad. Il avait six ans quand Hi**er a attaqué la Belgique. Son père, flamingant de Gand qui adorait Hi**er, a envoyé ses deux fils aînés dans les Wafen SS. Quand j’ai vu Koenraad, il m’a dit : « Quand j’ai lu votre histoire, j’ai pleuré. » J’ai répondu : « Les enfants des n**is ne sont pas coupables. » Or, son père est mort dans les années 60 sans jamais avoir changé ses idées ni regretté ses crimes… (…)
Un juif, c’est quelqu’un qui pratique la religion juive. S’il croit en Dieu, c’est la cerise sur le gâteau. Or, moi je suis devenu athée. Je ne crois pas à l’existence de Dieu. En ce sens, je ne suis plus juif, plus de religion juive. Alors quoi, ceux qui se proclament juifs, athées ou laïcs, en quoi seraient-ils juifs ? Ma réponse à moi : je suis un mec comme tout le monde. (…)
Je suis contre toutes les persécutions : celles visant l’homophobie, l’islamophobie, l’antisémitisme… S’il y a des gens qui veulent être juifs, croire au judaïsme, s’habiller en juifs, ils ont le droit. Et si une fille veut porter le voile, très bien. Je suis pour la liberté d’opinion, de culte, la liberté tout court. (…)
Léon Gronowski, son père, était né dans un petit village en Pologne. « Il avait connu le temps des pogroms, autrement dit le massacre par des militaires, souvent des cosaques, de petites populations juives dans un village. Dans ce contexte, il s’est enfui de sa patrie bien aimée, il a traversé l’Allemagne et il est arrivé en Belgique en fraude, sans papiers, comme un clandestin, illégal. (…)
Simon Gronowski est « l’enfant du 20e convoi », échappé à 11 ans et demi du wagon à bestiaux qui l’emmène de la caserne Dossin à Malines vers Auschwitz. A 92 ans, l’avocat et pianiste de jazz continue à témoigner dans les écoles : « C’est ma mission. Il faut combattre l’extrêm...