12/24/2023
Merci à Zacharie Goudreault
Le marché locatif est en crise au Québec. Pourtant, plus de 3200 logements sociaux sont vacantsdans les 10 plus grandes villes de la province, notamment parce qu’ils ont besoin d’être rénovés, a appris Le Devoir. Une situation « inadmissible » pour la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau.
Les données fournies au Devoir par les offices municipaux d’habitation qui gèrent les parcs de logements sociaux de ces grandes villes québécoises rapportent un total de 3231 appartements vacants. Ce nombre représente 4,71 % des logements sociaux gérés par ces organismes, dans des villes où les besoins en matière d’habitation abordable sont criants.
Plusieurs de ces logements sont vacants de façon temporaire, à la suite du déménagement de leurs anciens occupants, notamment en marge du 1er juillet. Ils se retrouvent alors vides, le temps d’être remis en état pour être reloués par la suite à des ménages à faible revenu.
Ces données font toutefois état, en parallèle, d’un problème chronique, soit celui du piètre état des logements sociaux au Québec. Près de 1400 appartements actuellement vacants situés dans les 10 plus grandes villes du Québec le sont en raison de rénovations ou de travaux majeurs qui s’étirent, dans certains cas, depuis des années, selon les données obtenues par Le Devoir. Le tout au moment où la Société d’habitation du Québec rapporte qu’au 31 décembre 2021, plus de 37 500 ménages locataires au Québec s’étaient inscrits sur des listes d’attente pour obtenir une habitation à loyer modique.
« Dans le contexte actuel, où les ménages peinent à trouver des loyers abordables et que les listes de gens en attente pour un logement en HLM sont très importantes, il est fâchant et inadmissible de constater que des milliers d’unités HLM sont vacantes. Pour moi, ça ne passe tout simplement pas ! » a indiqué par écrit jeudi la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau.
« Je m’attends à ce que les logements vacants et en bon état soient rapidement mis à la disposition des ménages qui en ont besoin. Cette situation doit impérativement se régler dans les prochaines semaines. Quant à ceux qui nécessitent des travaux, les choses doivent s’accélérer », a ajouté la ministre, en appelant les conseils d’administration des offices d’habitation à « plus de vigilance ». « Nous ne sommes plus à l’heure de la complaisance. »
Des défis d’entretien
Dans la métropole, sur les 2308 logements sociaux actuellement vacants, 821 sont « restreints à plus long terme » en raison de travaux majeurs en cours actuellement ou prochainement ou parce qu’ils se trouvent dans des immeubles ayant besoin d’entretien, mais pour lesquels « nous sommes en attente de financement », indique au Devoir le porte-parole de l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM), Mathieu Vachon. Plusieurs bâtiments de logements sociaux se retrouvent ainsi placardés à Montréal, en attente de pouvoir être rénovés.
« Il y a des gens qui sont dans des HLM en ce moment qui sont malades » en raison de la présence de moisissures ou de l’insalubrité de leur logement social, déplore le coordonnateur à la Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec, Robert Pilon.
Mathieu Vachon se veut toutefois optimiste : l’OMHM a reçu une somme de 94 millions de dollars dans le cadre de l’Entente Canada-Québec sur le logement, « qui nous permet d’effectuer des travaux dans une majorité des immeubles qui étaient autrefois barricadés », relève-t-il. Ces bâtiments, actuellement vides en raison de leur piètre état, pourraient ainsi accueillir de nouveaux locataires d’ici quelques années, entrevoit M. Vachon.
À Gatineau, en 2022, le taux d’inoccupation moyen des logements locatifs a chuté à 0,8 %, selon des données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Or, l’Office d’habitation de l’Outaouais fait état d’un taux de vacance de 8,32 %, pour un total de 223 logements sociaux ne pouvant accueillir de locataires, notamment parce que des travaux y sont en cours. Cette situation est liée au fait que l’entretien du parc de logements sociaux de l’organisme a été déficient pendant des décennies, pour des raisons financières, fait valoir son directeur exécutif à l’expérience client, Éric Tremblay.
« Ça aurait été plus graduel, mais puisqu’il n’y a pas assez de fonds qui ont été investis au fil des années, il y a maintenant du rattrapage à faire » dans l’entretien, relève-t-il. Selon lui, si les logements sociaux avaient été rénovés « de façon plus soutenue » au fil des années, le taux de vacance de ceux-ci serait aujourd’hui plus bas. « C’est bon signe qu’on fasse de la rénovation, mais on en a beaucoup à faire parce que comme partout ailleurs, nos HLM sont vieillissants », ajoute-t-il.
Des données de la Société d’habitation du Québec font d’ailleurs état d’un déficit d’entretien des logements sociaux qui dépasse les 800 millions de dollars dans les 10 plus grandes villes du Québec. C’est à Montréal que le taux de logements jugés en mauvais état est le plus élevé, à 73,20 %. Elle est suivie par Laval (68,8 %) et Lanaudière (66 %).
« Ça fait 30 ans qu’on se bat pour que les gouvernements mettent plus d’argent pour la rénovation du parc », déplore M. Pilon, qui constate que le taux de vacance actuel des logements sociaux au Québec est le résultat de décennies de laxisme dans l’entretien de ceux-ci. Ce dernier voit toutefois d’un bon oeil l’investissement gouvernemental de 2,2 milliards prévu au Québec d’ici 2028 pour la rénovation des logements sociaux. « Théoriquement, ça regarde bien pour la suite, lance-t-il. On est optimistes. »
L’Office municipal d’habitation de Québec voit pour sa part son taux de vacance de 3,7 % comme « une bonne nouvelle ». « C’est signe qu’on rénove notre parc immobilier », fait valoir son directeur général, Dany Caron. « On ne garde pas des logements vides pour les garder vides », ajoute-t-il, tout en reconnaissant que l’organisme est toutefois « tributaire » du financement qu’il reçoit « pour rénover des logements ». Or, « l’investissement dans le bâti existant est super important », souligne M. Caron.