04/03/2023
L'HISTOIRE DU PEUPLE BAMOUN ET LE NGUON
En l’an 1394, un jeune prince tikar, en compagnie de deux de ses oncles, Morunta et Nguonso, quitta sa contré à Rifum dans la vallée du Mbam. Les trois princes partirent de Mbankim à la recherche d’un royaume qui leur appartiendrait. Lorsqu’ils atteignirent la rive du fleuve Mapé, chacun décida d’emprunter sa propre voie. Morunta et Nguonso allèrent fonder les royaumes de Nditam et de Banso respectivement.
Attiré par les riches terres des hauts plateaux qui aujourd’hui sont connus sous le nom de département du Noun, Nchare traversa le fleuve avec 7 compagnons, à savoir : Nji Monshare, Nji Kumnjuo, son demi-frère, Njianga, un guerrier et en même temps beau frère de Nchare, un autre guerrier dénomme également Njianga, Njimanka et Nji Monanka, amis de Nchare et Njiamfa, son neveu. Ils se dirigèrent vers le village de Njimom où Nchare, fils de la princesse Yen renversa astucieusement le chef de ce village et s’y installa comme chef.
Au milieu des Nguon mystificateurs, Nchare Yen et ses sept compagnons s’assirent sous l’ombre de karité dans le village de Njimom réfléchissant sur leur quête du pouvoir. C’est sous cet arbre assis sur sept pierres qu’ils donnèrent naissance au concept du royaume Bamoun.
Au fil du temps, Nchare Yen se lia d’amitié avec Mfo Mokup, chef d village voisin de Mokup. Mfo Mokup avait au sein de sa chefferie une société secrète dénommée Nguon, qui assurait l’approvisionnement de son palais en denrées, ainsi que la distribution équitable de la nourriture dans toute la chefferie. Chaque année pendant la période des récoltes, les possesseurs du Nguon parcouraient la chefferie pour s’assurer que les villageois apportent leur récolte au palais du chef Mfo Mokup qui redistribuait les produits de la récolte à ses sujets, en s’assurant que chacun avait un peu de tout ce que produisait la chefferie. S’il y avait un surplus, l’excédent de la récolte était conservé dans un grenier au palais pour être consommé pendant la saison sèche ou au cours d’une année de mauvaise récolte.
Ce rassemblement de villageois se terminait par la célébration d’une fête pendant trois jours au cours de laquelle chacun buvait,mangeait et dansait à satisfaction. C’était la fête des récoltes connue sous le nom de Festival du Nguon.
Un son étrange et mystérieux emplit l’air. Les Nguon sortaient en jouant à leurs tambours lesquels imitent le son des sauterelles appelant leurs femelles. Les femmes fuyaient et se réfugiaient à l’intérieur de leurs maisons. Quelques temps après, Nchare Yen assujettit le village, de Mfo Mokup et adopta le Nguon comme élément culturel par excellence. Nchare Yen célébra son premier festival du Nguon en 1395. Il voulait étendre les limites de sa chefferie et se lancer une fois de plus à la conquête de la région. Nchare Yen se dirigea vers le sud dans le village des pa mben (de nos jours Foumban), Nchare Yen construisit son palais et s’installa comme Roi. Dans sa lancée, il vainquit quinze autres Rois de la région et se déclara finalement Roi de tous les pa mon (Bamoun). Nchare Yen, le petit fils de Mforifum, Roi des tikar de Mbankim, parvint avec brio à réaliser son rêve. Sa progéniture consolida ces acquis au fil des siècles.
La société secrète Nguon jouait de plus en plus un rôle déterminant pour la survie du royaume. En ce temps-là, les possesseurs du Nguon n’avaient plus comme unique rôle celui d’assurer l’approvisionnement du palais en denrées, mais ils avaient en plus la charge de parcourir toute la région pour rassembler les informations relatives aux griefs des habitants du royaume et pour constater les abus commis au nom du Roi. Ils avaient la responsabilité d’informer et de conseiller le Roi et ses compagnons (aujourd’hui connus sous le nom de grands conseillers ou Nkom). Le Nguon était davantage devenu une police secrète et le service des renseignements du palais.
Pendant la période des récoltes, lorsque des villageois amenaient leurs produits au palais aux fins de redistribution, les possesseurs du Nguon s’entretenaient avec les conseillers. le peuple, au bout du compte, attendait avec impatience les tRois jours de célébration du Nguon.
Le festival du Nguon était devenu une tradition culturelle. Au fur et à mesure que cRoissait le pouvoir de Mbuembue et l’étendue de son royaume, les intrigues se développaient. La vie au palais devint de plus en plus labyrinthique entrelacé dans une toile d’araignée complexe. C’est ainsi qu’entre autres, traîtrise et usurpation caractérisaient une grande partie de l’existence quotidienne au palais. La stratification socio postes de responsabilité, des titres, des fonctions et des castes furent institués. La structure administrative s’établit ainsi qu’il suit :
LE MFON :
Roi/sultan : propriétaire de toute chose et de tous à l’intérieur du royaume, avait le dRoit de décider de la vie ou de la mort de chacun de ses sujets. Chef suprême des forces armées royales détenant le pouvoir de déclarer la guerre ou la paix, avait le dRoit de déplacer des populations, le pouvoir d’ennoblir et de retirer titre et rang.
LES NKOM :
Grands conseillers et gardiens du royaume détenant le pouvoir d’introniser et de déposer un Roi.
LE NJI FON FON :
Premier Ministre/conseiller du Roi.
LE MGBETNYI MFON :
l’adjoint au Roi sultan (il pouvait y avoir plus d’un adjoint)
LE TITA-MFON :
Conseiller politique du Roi
LE MANSHUT TUPANKA :
Ministre de la défense/commandant en chef des forces armées royales
LE TITA-NGU :
Porte-parole du Roi et de ses conseillers. Il annonçait les décisions et les
affaires du royaume.
LE MANSHUT TAKUM
Chef des serviteurs en charge de l’approvisionnement du palais en denrées alimentaires(c’était habituellement une reine).
LE NKOMSHINSHUT :
Noble de la cours du Roi
LE MFO-GHOME
Grand vassal qui supervisait les terres et propriétés du royaume
LE SHUEFON :
Chambellan du Roi
LE NJI:
Prince/noble généralement en charge de village ou chef de famille également.
LE MFO-TUE:
Chef d’un village vaincu et assujetti par le Roi
LE NSHINNSHUT :
Serviteur du Roi
LE MKEN:
L’esclave.
La structure administrative crée par le Roi Mbuembue resta en vigueur jusqu’au début des années 1900 lors du règne du Roi Ibrahim Njoya, le 17ème Roi de la dynastie Bamoun.
Ensuite vinrent les allemands, suivis par les français...
Le Cameroun fut sous administration coloniale allemande de 1902 a 1915. Les principaux intérêts des allemands au Cameroun étaient le commerce de l’ivoire, du latex ainsi que la construction d’un chemin de fer. Ils autorisent les Rois et les autres chefs traditionnels à poursuivre la pratique de leurs coutumes et traditions et a j***r des pourvoir dans leurs territoires respectifs.
Le Roi Njoya entretient de très bonnes relations avec les allemands et pu a leur époque faire d’extraordinaires avancées dans ses recherches et inventions. Il voulut consigner par écrit l’histoire et les traditions du peuple Bamoun, tout comme ses inventions et ses découvertes relatives aux plantes médicinales dont l’efficacité était avérée. Mais sa langue était essentiellement orale, ce qui apparaissait comme un réel handicap. Pour résoudre ce problème, le Roi Njoya inventa vers 1895 un alphabet qui comportait plus de 500 symboles, idéogrammes et chiffres.
Vers 1906, le Roi Njoya commença à effectuer un enregistrement détaillé des naissances, des décès, des évènements importants, etc. S’étant aperçu que son alphabet était touffu, il réduisit des signes. En fait, son inspiration s’activait dans les domaines les plus varies, ainsi, il s’essaya aux dessins architecturaux. en 1908, le sultan Njoya se rendit à Buéa dans le sud-ouest du Cameroun.
Il vit la résidence du dans le sud-ouest du cameroun. Quelques temps après, le Roi Njoya décida qu’il lui fallait créer une nouvelle langue. en 1912, il inventa une langue secrète réservée aux seuls inities. Cette langue était une synthèse entre le haoussa et quelques autres langues africaine, y compris l’anglais, le français et l’allemand. Cette langue secrète reste encore d’usage, bien que parlée par très peu d’habitants du royaume.
L’arrivée des français a Foumban le 23 mai 1916 marqua le début de la fin du Roi Noya. Vers 1916 le Roi Njoya avait déjà révisé son alphabet six fois, réduisant le nombre de symboles a quatre-vingts et les chiffres a dix. Cette version finale de l’alphabet est connue sous le nom de « a ka u ku ».
Vers 1918 le Roi Njoya avait ouvert 20 écoles à travers le royaume ou plus de 300 élèves étudiaient son alphabet. Il y a quatre-vingt-dix documents écrits dans les différentes versions de son alphabet, tRois ont été rédigées dans la version finale. Le Roi Njoya rédigea un manuscrit de 547 pages sur l’histoire des Bamoun en (a ka u ku).Plus t**d, il traduisit le manuscrit en shumom, sa langue secrète. Le manuscrit fut traduit en français vers fin 1940 et, en 1952 (dix-neuf ans après son décès) la version française fut publiée.
Le Roi Njoya devenait de plus en plus influent dans la région, mais les allemands durent quitter le Cameroun, et il fut confronté aux nouveaux colonisateurs français qui n’appréciaient pas sa manière de gouverner le royaume. Le Roi Njoya était un génie avec une vision et une mission ce qui représentait une menace pour les colonisateurs français et ils durent limiter sa puissance. Ils voulaient un contrôle absolu et ce contrôle imposait qu’ils l’affaiblissent.
Les administrateurs coloniaux français décidèrent d’ôter tout pouvoir au Roi. Ils commencèrent par réduire le pouvoir de plusieurs institutions au sein du royaume. Le chef de subdivision français, M. Ripert, écrivit « Njoya est un tyran noir, élevé dans le sang, à l’orgueil démesuré, poursuivant des rêves insensés, exécutant sommairement ses adversaires, obligeant chaque famille a lui donner une fille en mariage. Il avait accédé au pouvoir après que sa mère n’eut pas hésite a supprimer tous ses frères ».
En 1924, après avoir arraché au Roi Njoya le pouvoir de régner, les français interdirent la célébration du festival annuel du Nguon. Mais les colons n’avaient pas pleinement compris la signification, la quintessence du Nguon. Qu’est ce que le Nguon ? Est-ce une sauterelle, une fête des récoltes, une société sécrète, un tambour à friction ou une danse rituelle ? Est-ce une célébration qui fait office d’action de grâce ou d’acte d’apaisement ? Est-ce social, politique, religieux ou mystique ?
Les colons français ne comprirent pas que le Nguon était un élément identitaire du peuple Bamoun. Heureusement, il ne purent pas détruire le Nguon, parce qu’il ne l’avaient pas compris dans son intégralité complexe. Les français se dressèrent contre le grand secret du terRoir, le nsheme ngu .Comment auraient-ils pu reconnaître le Nguon dans son camouflage cabalistique ?
Le Roi Njoya fut envoyé en exil en 1931. « L’affaire sanda fut une affaire idoine ». Nji Kouotou Yenu, frère du Roi Njoya, fut désigné par l’administration française pour assurer la garde du palais.
Les possesseurs du Nguon gardèrent leurs instruments en un endRoit sur. Ils continuèrent à rassembler des informations a travers tout le pays. Les possesseurs du Nguon continuèrent à danser à la naissance ou au décès des jumeaux. Les Nguon continuèrent à émettre leur son à chaque saison des amours.
Le Roi Njoya mourut en exil en 1933. Les acteurs du Nguon sortirent leurs instruments et enterrèrent le Roi Njoya dans le « gbetnja » la crypte des Rois Bamoun et ce malgré l’opposition du lieutenant français, M.Clapot, et du traitre Bamoun, Mosé Yeyap.
Les acteurs du Nguon installèrent le 18eme Roi de la dynastie Bamoun, le sultan Seidou Nji Moluh Njoya.