11/02/2016
Interview de Jean Francois Rial au sujet de l'Egypte...
Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde : "Notre engagement envers l'Égypte et son peuple est inconditionnel"
Jean-François Rial est, depuis 1996, le PDG de Voyageurs du Monde. 10 marques différentes (Terre d'aventure, comptoir des voyages…), 365 M€ de chiffre d'affaires en 2014, 650 salariés, 200.000 clients, 150 destinations, du désert à la montagne, de la mer à la nature sauvage, du voyage haut de gamme au trekking, de la Norvège à l'Australie, de la Colombie aux Baléares, des circuits accompagnés aux croisières. Les offres de Voyageurs du Monde (VDM) sont infinies, belles et diversifiées. Mais le contexte géopolitique incertain a bouleversé la donne et a fortement impacté le tourisme. Certaines destinations du bassin méditerranéen et du Moyen-Orient sont en perte de vitesse. Jean-François Rial n'a jamais renié l'amour qu'il porte à l'Égypte (il y est venu plus de 30 fois !). Depuis 2011 - si ce n'est un court arrêt de 5 mois en 2012 - il continue de proposer des voyages sur le Nil, sur la dahabieh "La flâneuse du Nil" et sur le magnifique Steam Ship Sudan.
C'est en 2000 que VDM découvre ce bateau à vapeur, rescapé de la flotte Thomas Cook, et en devient totalement propriétaire en 2006. D'importants travaux sont menés pour le moderniser tout en lui conservant son cachet d’antan. Opération totalement réussie puisqu'il est, et de loin, le bateau le plus connu à sillonner le Nil. Totalement à contre-courant des bateaux de croisière du tourisme de masse, VDM prend l'option du luxe et de la qualité…
Égypte actualités : La très reconnaissable silhouette du SS Sudan sillonne le Nil de Louqsor à Assouan, puis d'Assouan à Louqsor chaque semaine : des croisières exceptionnelles pour une clientèle exceptionnelle ?
Jean-François Rial : La clientèle de Voyageurs du Monde est une amoureuse de l'Égypte, de son histoire et de ce bateau qui est une véritable pièce de collection. Et qui fait partie du patrimoine historique, non seulement de l'Égypte, mais du patrimoine du voyage mondial tout court. Ainsi, une grande part de notre clientèle sur ce bateau est internationale.
ÉA : Mais en 2011 avec la chute de Moubarak, le contexte politique bascule, les révolutions s'enchaînent et, conjuguées aux menaces terroristes, “sinistrent” le secteur du tourisme. Vous maintenez la destination jusque mi-2012. Puis en 2013, après un arrêt de seulement 5 mois, vous êtes le premier voyagiste à revenir. Était-ce une démarche citoyenne pour aider ce pays, qui par ces multiples facettes ne cesse d'être unique ?
JFR : Notre engagement envers l'Égypte et son peuple est inconditionnel. Nous soutiendrons toujours ce magnifique peuple qui a le droit à la paix et au développement économique.
ÉA : Pour une entreprise qui doit assurer son chiffre d'affaires, il faut une grande confiance pour continuer à proposer des croisières de luxe avec un taux d'occupation très bas : un pari sur l'avenir ?
JFR : Notre société est importante et présente des ressources très diversifiées. Ainsi, nous avons les moyens de perdre un peu sur l'Égypte quelque temps, ce qui est un juste retour des choses pour ce pays qui nous a tant donné. Et puis même dans une société privée cotée en bourse, tout ne doit pas se raisonner uniquement sur le prisme économique. Nous avons une histoire et des responsabilités en Égypte que nous devons assumer.
ÉA : Même si l'année dernière a connu une légère reprise, même si le soleil est l'un des atouts majeurs de l'Égypte, les touristes demeurent encore frileux… Vous avez délivré récemment un véritable plaidoyer pour le retour des touristes dans l'ensemble des pays musulmans. Pensez- vous être entendu ?
JFR : Je suis un peu entendu mais pas assez. Un peu car nous réussissons à avoir des inscriptions chaque jour sur l'Égypte, mais la Tunisie et même le Maroc s'effondrent. Je pense que la prise de conscience va finir par se faire et la raison reprendre le dessus. Qui peut prétendre aujourd'hui que le prochain attentat aura lieu en Tunisie plutôt qu'aux Baléares ou à Londres ? La vérité est que personne n'en sait rien, et que ne plus aller dans les pays musulmans est à la fois une faute intellectuelle mais surtout morale.
ÉA : Pensez-vous que les mises en garde du Quai d'Orsay (ministère de Affaires étrangères français), conjuguées à des articles de presse que certains disent "négatifs", doivent être édulcorés, adoucis ? Est-ce que le retour des vols charter serait aussi l'une des clés de la reprise ?
JFR : Le Quai d'Orsay fait son travail et ne déconseille pas par exemple les voyages en Égypte dans la vallée du Nil. Le problème est plutôt la simplification de ses instructions que de nombreux médias en font. Mais la vérité finira par revenir. Je ne crois pas que cela soit un problème de charter, mais plutôt d'une vraie prise de conscience de la nature réelle du risque.
ÉA : Quelles mesures pourraient être adoptées pour que cette destination soit à nouveau prisée par les voyageurs ?
JFR : Laisser du temps au temps, comme disait le président Mitterrand...
ÉA : Vous qui êtes un homme de confiance, sensé, militant et citoyen, que dites-vous à ceux qui hésitent aujourd'hui à profiter de la douceur incomparable des rives du Nil ?
JFR : Je leur dis que quand on va sur les Rives du Nil, il vaut mieux être Américain que djihadiste, ce dernier étant très mal vu dans la région. Et que j'y vais plusieurs fois par an, encore récemment en janvier, avec ma famille, y compris mes enfants, mes amis, ou mes équipes. Et que je suis sain de corps et d'esprit !
Propos recueillis par Marie Grillot
Pour plus d’informations
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