29/12/2020
🐫🐫🐫🇹🇳 SAHARA TUNISIE 🇹🇳🐫🐫🐫
Le Sud tunisien est un pays de sable et de vert. Quand le grand soleil abandonne chaque soir cette terre au bleu de la nuit, le chant du muezzin berce les cités lointaines. Dans les ruelles étroites des médinas de Nefta et de Tozeur, les maisons dressent des façades dentelées faites de briques d’argile. Un mystère vague plane sur ces villes qu’on explore sans jamais souhaiter percer leur quelconque secret. Les moucharabiehs, les entrées en chicane, les fenêtres sur cour et jamais sur les intérieurs... Autant d’astuces architecturales pour préserver l’intimité de la vie. À l’abri des regards, à l’abri probablement aussi du désert et de son immensité comme s’il fallait parfois se replier sur soi.
Dans la corbeille de Nefta et l'oasis profonde de Tozeur, la lumière s’immisce à travers la frondaison des grands dattiers échevelés et glisse jusqu’au sol frais et humide. Des lambeaux de brumes s’y forment qui caressent les pieds d’innombrables arbres fruitiers, orangers, citronniers, figuiers... et les grenadiers. Leurs fruits enferment des gouttelettes roses d’un jus parfumé qui semble pouvoir apaiser toute la soif de l’été.
Nous sommes comme au cœur d’un mirage. Une immense féerie verte au milieu d’un désert rocailleux. À la queue leu leu, les hommes partent à l’assaut des troncs pour récolter des régimes de dattes au goût âpre et sucré. Un feu somnolent maintient au chaud une petite théière cabossée par les années. La boisson douce et mentholée s’apprécie par petites gorgées entre chaque cueillette comme une accolade de réconfort après l’effort. Les hommes de l’oasis vous l’offrent comme ils vous tendent une branche lourde de fruits. Dans ces pays de sable, l’hospitalité généreuse mime la luxuriance des jardins. C’est un monde lointain, il s’apprivoise avec les heures et le cœur.
À peine quitté Tozeur en direction de Tataouine, la route file droit au milieu d’une étendue immaculée de 5 000 km2. Le Chott-el-Jerid est la plus vaste plaine saline du pays, un autre désert. Les pas s’y perdent. Le craquement du sable mêlé de sel sous les chaussures provoque une sensation et un son étrangers. Où sommes-nous ? Où allons-nous ? Le désert prend le dessus. La mémoire est vaincue. Il faut donc se laisser porter, ne faire que contempler, oublier le temps et profiter de l’instant. La voiture roule à nouveau. Le voyage reprend son sens jusqu’à Tataouine, le pays des ksour et des greniers surannés.
Le ksar Ouled Soltane, appartenant à la puissante tribu du même nom, subjugue le Sahara depuis le 15e siècle. Bien sûr, on y stockait les dattes, l’huile d’olive, les figues séchées, l’orge, la laine de mouton... mais pourquoi les faire si beaux ? Ils sont l’écho du désert. Les formes douces et charnelles des bâtisses semblent jalouser celles des dunes rondes et molles.
Nous avons gagné Douz par le sud traversant des paysages dissemblables et nous avons compris combien l’habitude pouvait rendre familières ces étendues appelées « désert » qu’on croirait immuables, mais qui sont à la fois singulières et plurielles. Douz, porte d’entrée au Sahara, a les couleurs et la richesse de deux mondes qui se retrouvent. Les artisans bijoutiers, tanneurs, et ferronniers voient passer des chameaux et des ânes encore poudreux de désert. Le souk déploie ses richesses de légumes et de fruits de l’oasis, aligne aussi les épices colorées venues d’un ailleurs situé là où l’imagination n’ose plus guère s’aventurer. Mais Douz a ses limites sur lesquelles le désert veille.