16/10/2021
La Normandie n’est pas qu’une province. Elle fut aussi un État, pourvu d’un grand territoire et d’institutions autonomes. Elle est aussi le résultat de la fusion, réalisée par Rollon et ses descendants, de plusieurs pays. Ces pays sont pour l’essentiel d’anciens diocèses, dont certains prolongent des civitates de l’Empire romain. Beaucoup furent des comtés.
On se souvient que le traité de Saint-Clair-sur-Epte, négocié en 911 entre le roi Charles le Simple et le Viking Rollon, avait donné à ce dernier le territoire courant « de l’Epte à la mer ». La description était sommaire et ne permettait pas de dire où ce territoire s’arrêtait. C’est sans doute l’archevêque de Rouen qui fournit à Rollon la solution. La Normandie devait reprendre les frontières de la province ecclésiastique. Sans doute l’honorable homme d’Église qui, dans la foulée, baptisa le païen, ignorait-il que la province ecclésiastique de Rouen était elle-même l’héritière d’une antique province administrative de l’Empire romain : la Lyonnaise seconde.
Au nord, la province était limitée par la Bresle au-delà de laquelle se trouvait l’Amiénois. A l’ouest, c’est le cours de l’Epte qui servait la frontière, en vertu du traité de 911. Cette frontière amputait la Normandie d’une partie du diocèse de Rouen, celle qui, en-deçà de l’Epte, s’étendait depuis l’Oise. On s’en arrangerait. Le morceau manquant, devenu le Vexin français, autour de Pontoise, ferait partie de l’Île-de-France tout en restant administré par l’évêque de Rouen (cette singularité dura jusqu’à la Révolution). A l’ouest, c’est-à-dire dans le Cotentin, la situation était plus difficile, car les Bretons s’y étaient installés et n’avaient aucune intention d’en partir. Quant à la limite méridionale, elle fit l’objet de quelques tractations avec les voisins du Maine. Et la Normandie perdit le secteur de Bellême qui allait, avec Nogent-le-Rotrou, former la province du Perche.
Aujourd’hui, par le miracle des réformes administratives, la Normandie a retrouvé ses frontières de 911. Mais, elle n’est pas unifiée pour autant. Chacun de ses « pays » continue de revendiquer son identité, sa façon d’être et son parler. Les géographes et les agronomes, qui ont pris le pas sur les historiens, ont transformé ces territoires en « régions naturelles ». Les élus locaux en ont fait des « intercommunalités » aux contours parfois fantaisistes. L’Histoire s’y perd un peu. Raison de plus pour revenir aux fondamentaux !