09/12/2018
est né en 1883, d'ATANGANA ESSOMBA et de NDONGO EDOA. Vers l'âge de 6 ans, il perd son père. En 1895, le petit Charles(Karl) ATANGANA sera témoin des massacres des MVOG OTTOU lors de la rébellion d'OMGBA BISSOGO à MVOG BETSI. Ce sont les premières impressions pénibles qui forgeront son souci, son sens de médiation et de réconciliation.
En effet, après une brève victoire surprise d'OMGBA BISSOGO, ZIMMERMANN s'est lancé dans une expédition punitive, avec le secours de BARTSCH - et de MULLER. Le petit ATANGANA est traumatisé de voir le vieil OMGBA BISSOGO, homme extrêmement fier et redouté, s'humilier en venant se constituer prisonnier au poste de YAOUNDE afin d'arrêter les massacres.
En 1896, son oncle ESSOMBA NGONTI le confie au Major DOMINIK avec son cousin TSOUNGUI AKOA à la demande de l'Administrateur allemand qui veut former les premiers cadres Ewondo - ils sont 4 petits garçons Ewondo, dont Martin TABI NNANA de Mvog ADA - et Michel ONANA. Charles ATANGANA rejoindra les trois autres partis six mois plus tôt à Kribi à l'Ecole des Pères Pallotins. Il est en compagnie du Major DOMINIK qui doit prendre le bateau pour un séjour en Allemagne.
Très vite, il rattrape les autres, et non seulement il est premier de sa classe, mais il recevra aussi le baptême le premier. Vers la fin de l'année 1899, les études sont brutalement interrompues par la révolte des Bulus qui envahissent Kribi. L'Ecole et la Mission sont saccagées; le petit Karl ATANGANA se réfugie avec les Pères Pallotins à Douala - Il les convainc d'aller s'installer à Yaoundé où les populations sont plus hospitalières.
Au mois d'Août de l'année 1900, il est appelé à Victoria par le Chef de poste lui-même pour servir d'interprète aux 500 otages Bulus qui venaient de débarquer comme travailleurs exigés, en représailles de la révolte sanglante de 1899. Charles ATANGANA s'acquitte bien de cette tâche pendant 6 mois, tout en apprenant parallèlement le métier d'infirmier.
Puis il est appelé à Buéa, Siège du Gouvernement, pour être initié au jeu plus subtil de 'Clerc en écriture dans les bureaux'. Ainsi durant son séjour à Victoria et à Buéa, Charles(Karl) ATANGANA aura été successivement ou parallèlement interprète - Infirmier - Clerc - et même Employé des douanes.
C'est également à Buéa qu'il va épouser en premières noces Marie BILOA, une fille Yanda de Mekumba, un peu plus âgée que lui, qui vivait maritalement avec un fonctionnaire allemand. Le mariage a lieu à l'Eglise d'Engelbert.
De cette union naîtront deux enfants: Jean NDENGUE ATANGANA et Catherine EDZIMBI ATANGANA.
En 1901, Charles ATANGANA effectue un séjour à Yaoundé; c'est l'occasion de concrétiser la proposition faite aux Pères Pallotins qui sont déjà à Yaoundé à l'instigation des anciens élèves de Kribi, - Charles ATANGANA demande aux siens de leur donner du terrain pour y créer une mission dans le village même de son père, sur la colline de Mvolyé. Charles ATANGANA est bien loin d'imaginer que pendant son séjour à Yaoundé, l'Obert Lieutenant SCHEUNEMANN avait discrètement organisé une enquête sur lui. Ainsi au début de l'année 1902, quand il s'apprête à rentrer sur Buéa, ce dernier le maintient à Yaoundé en lui avouant qu'il y sera plus utile.
Il en fait l'Interprète officiel en remplacement de son cousin Jean TSOUNGUI AKOA. Et en 1904, quand le Major Hans DOMINIK revient comme Chef de Poste à Yaoundé, il est heureux de retrouver parmi les plus dévoués de ses subordonnés et le premier de ses sous-ordres, Charles ATANGANA qu'il avait lui-même recommandé huit ans plus tôt au Révérend Père SCHWAB à Kribi.
Ainsi protégé par Hans DOMINIK et par les Missionnaires, Charles ATANGANA est le symbole de l'Evolué réussi -DOMINIK lui demande de l'accompagner dans ses tournées en brousse - Et Charles ATANGANA revivra les scènes de l'enfance avec la révolte des MANGUISSAS. Il s'offre en médiateur pour arrêter les massacres. Le Chef Manguissa accepte la négociation, cette victoire le consacre définitivement dans le rôle ô combien délicat d'Intercesseur et Négociateur.
Il accompagne DOMINIK dans les expéditions militaires de l'Est, et participe à la fondation des villes de BAFIA, ABONG-GBANG, YOKADOUMA, MOULOUDOU.
Il accompagne aussi DOMINIK vers le Nord où ils créent les poste de YOKO, BERBERATI, MEIGANGA, NGAOUNDERE, GAROUA, MAROUA, qui deviendront autant de villes.
DOMINIK avait promis de l'envoyer en Allemagne, mais il meurt le 16 Novembre 1910 avant d'avoir concrétisé cette promesse, laissant Charles ATANGANA dans la tristesse, et c'est HERN KIRCHOF qui aidera à la réalisation de ce projet.
Au mois de février 1911, Charles ATANGANA est nommé Chef Suprême des Ewondos et Bene. Il est plébiscité par toutes les populations de Yaoundé après une Assemblée de Notables. Son intronisation se fera au cours d'une grandiose cérémonie traditionnelle à Mvolyé.
En Juin de la même année, une lettre vient de Buéa annonçant que 'l'Université de Hambourg' demande un intellectuel Ewondo pour aider le Professuer VON HEEPE dans l'étude, la transcription et l'enseignement de la langue Ewondo. Charles ATANGANA est tout indiqué. Ce sera son premier voyage en Allemagne. Il y séjournera un an et les travaux seront réunis en un document intitulé 'Yaoundé Text' en Ewondo et en Allemand.
Quand Charles ATANGANA rentre à Yaoundé au courant de l'année 1912, rien ne sera plus comme avant. De grands projets d'Urbanisme, d'Amélioration de l'Habitat indigène et du niveau de vie, en un mot de la modernisation du pays Ewondo sont déjà latents en lui.
Il commence cette même année la construction de son Palais style provençal avec un grand escalier extérieur d'apparat tel qu'il a vu en Allemagne, ayant pris soin de ramener les plans. Pour cela, il crée une briqueterie, une scierie etc.. c'est un frère d'une congrégation allemande qui sera le maître d'oeuvre. A cette grande entreprise participent les populations enthousiastes et curieuses au point qu'avant la fin de l'année, la maison sera déjà fonctionnelle - imposante avec ses deux tours.
Le niveau supérieur comme le rez-de-chaussée sont munis de galeries protégées par un mur fait d'arcades et de balustres fabriquées sur place. Le plancher est en bois vernis. Pour les cérémonies, il y a une plate-forme couverte par un débordement de la toiture.
A l'intérieur, toutes le pièces du haut ont le plancher couvert d'une espèce de tapis en skaï fleuri rouge bordeaux. En bas, les murs intérieurs du salon, de la salle à manger et des anti-chambres sont peints de motifs de fleurs grimpantes ou de figures géométriques bien agencées, carrés-losanges etc... le sol est cimenté, les anti-chambres sont au même niveau que la grande salle à manger. Mais pour accéder aux chambres, il faut monter quatre marches.
A l'étage, les appartements du maître font un tout - chambre - anti-chambre - salle d'eau avec une énorme et lourde baignoire.
Ce chateau construit sur un monticule est un carrefour d'où partent les quatre grandes voies qui mènent vers la ville et la mission et les autres contrées environnantes Jusqu'à la fin de l'ère coloniale, aucune autre chefferie du pays ne sera dotée de structures aussi modernes et fonctionnelles. C'est la chefferie mère en quelque sorte. Beaucoup vont construire dans le même style, mais plus petit, sans escalier extérieur.
C'est le lieu de recontres et de rassemblements - les fêtes durent parfois trois jours, voire des semaines. Les Chefs de tout le Centre et le Sud viennent toucher leurs remises d'impôts une fois l'an à EFOULAN. La Saint Charles BORROMEE est fêtée avec pompe - tout le Clergé et les écoles privées catholiques y sont invités. Les élèves apprennent des saynètes et des mouvements d'ensemble qu'ils exhibent ce jour là. Les Gouverneurs prenaient plaisir à se faire convier à la table de Charles ATANGANA - ils lui en rendaient autant. Plus t**d avec les Français, le fête du 14 Juillet finissait à Efoulan par un grand festin animé de danses traditionnelles venues de diverses régions.
Chaque année, la clôture de la foire exposition avait lieu également à Efoulan - Enfin, le tribunal coutumier de Première Instance était à Efoulan - les Assesseurs étant installés dans des salles parallèles au rez-de-chaussée. Lors des fêtes religieuses: Noël, Pâques, etc... le Grand Séminaire, les Prêtres et l'Evêque étaient invités au Palais - le nouvel an représentait l'apothéose. Les fins de semaine étient régulièrement animées au Palais d'Efoulan par les balafons, ou l'orchestre du Chef.
Cette grande demeure était surtout la maison du Bon DIEU. Quand on y arrivait seulement, on avait l'impression que tous les problèmes allaient être résolus, de quelque ordre qu'ils soient. L'édifice et son propriétaire ainsi que l'ensemble du personnel rassuraient totalement - on se sentait en sécurité.
En 1913, Charles ATANGANA effectue un second voyage en Allemagne au cours duquel il est reçu successivement par le Kaiser Empereur Guillaume II et à Rome en audience privée par le Pape Pie X.
En 1914, éclate la première guerre mondiale. Charles ATANGANA et ses chefs, soit près de soixante mille hommes couvrent la fuite de leurs anciens maîtres vers l'Ile de FERNANDO Pô en Guinée Equatoriale. Pour les Français, c'est le début de l'exil de Charles ATANGANA. Il embarque sur le San Carlos pour l'Espagne avec son fils Jean NDENGUE - son petit frère et Secrétaire Particulier Henri ATANGANA ESSOMBA et quatre autres notables, Paul NTONGA, Martin TABI, Hubert NAMA et le Chef Max Abbé FOUDA. Le groupe débarque à CADIX le 22 septembre 1919. Il est en voiture découverte à quatre chevaux...
Le 3 Octobre, il prend le train express de 16 h 20 pour Madrid, salué au départ par la colonie allemande puis il s'installe avec les siens dans un meublé au 4 Rue de Carretas. Il sera reçu par Alphonse XIII, et obtient l'assurance que sa cause allait être entendue.
Après la victoire des Alliés et la défaite définitive de l'Allegmagne, Charles ATANGANA adresse un Mémorandum à Georges CLEMENCEAU et au Gouvernement Français, demandant son retour au milieu des siens. En retour, il promet à la France la même fidélité que celle qu'il a témoignée aux Allemands.
Le 28 Novembre 1920, Charles ATANGANA débarque à Douala après une escale de quatre mois à Fernando Pô pour y régler ses affaires commerciales et liquider ses biens éventuels. Il est aussitôt placé avec sa suite en résidence obligatoire à DSCHANG. Il a la corvée de réfectionner la route de Baré - Dschang - Foumban.
Le 26 Novembre 1921, Charles ATANGANA rentre à Yaoundé - C'est un triomphe. L'Administration se résout à lui rendre ses fonctions dès le début de 1922.
1922 - 1942 REORGANISATION ET MODERNISATION DU PAYS EWONDO:
1) Révolution verte: introduction des produits de rente: cacao et café. Tous les Chefs Béti sont mobilisés pour cela.
2) Réorganisation du Commandement indigène dans la région de Yaoundé. Il nomme les Chefs aux postes suivants:
- Jean NDENGUE, Chargé des constructions en ville
- Martin ABEGA, Chargé de l'encadrement des populations
- André AMUGU, Chargé du ravitaillement
- Hubert MANGA, Chargé de la propreté de la ville de Yaoundé
- Frédéric FOE et Martin ONDIGUI, Chargés des Ecoles et des Hôpitaux
- Joseph MBALLA, Chargé des routes
- Simon OMGBA, Chargé de la coordination des Chefs.
3) Sur sa proposition, l'Administration coloniale réforme la chefferie indigène et procède à la nomination de nouveaux titulaires.
Entre 1925 et 1940, Charles ATANGANA applique un vaste programme de modernisation du pays BETI:
a) - Réforme du vêtement
b) - Réforme de l'Habitat
c) - Tracé et amélioration des pistes et des routes.
En 1930, il est invité à la grande exposition coloniale de Paris.
En 1935, Charles ATANGANA représente le Cameroun à la Conférence Coloniale de Paris.
En 1938, mort de sa première épouse Marie BILOA.
Le 5 Mai 1939, pacte de l'amitié franco-camerounaise. A la suite de la visite de MONNERVILLE, Parlementaire françcais d'origine Antillaise, un arbre de l'amitié franco-camerounaise est planté à EFOULAN (le MBIKAM).
Le 6 Janvier 1940, deuxième mariage de Charles ATANGANA avec Julienne NGONOA, une jeune Mvog Manga de Nkolafamba. De ce mariage, il aura également deux enfants: Marie-Thérèse ATANGANA et René Grégoire ATANGANA.
Au courant du mois d'Août 1943, l'état de santé de Charles ATANGANA s'aggrave chaque jour; il meurt le 1er Septembre 1943 à MVOLYE.
C'est la fin d'une épopée, mais aussi le terme d'une tradition et d'une certaine identité des Béti. Ceux-ci entrent dans un tunnel sans issue. La gloire d'antan appelée à immortaliser une époque et un homme sombre dans un oubli facile et durable.
(é) Fondation Marigoh Mboua Marcel.