24/03/2024
Jour 71
[…] Je vais dehors et cherche un coin pour passer la nuit. Une fois dans mon sac de couchage je fais 25 plans en fonction de pleins de paramètres, ça me fatigue.
Jour 72
Réveil vers 2h et rebelote, je suis sur mon téléphone à ne pas savoir quelle direction donner à mes 72 prochaines heures, c’est stressant, pénible, fatiguant. Vers 4h je me lève, mange un peu puis monte dans le bus. Le jour se lève, c’est beau, le désert, avec quelques rochers érodés par ci par là, dominé par quelques volcans tutoyant les 6000m. J’aperçois l’Ollagüe, joli de ce côté, ça veut dire que la frontière approche. Hop 3 ou 4è entrée au Chili, tout se passe bien, mais c’est un peu long, tous les sacs sont ouverts. Je demande au chauffeur : il est ok pour me laisser ici, trop bien, et bien … voilà je suis libre dans ce tout petit bled frontalier. Mission numéro 1, trouver de l’eau … je demande à un homme qui m’indique une almacen/épicerie que je ne trouve pas, puis demande à un autre mec en uniforme, il me montre l’almacen en question, c’est hôtel/resto/bricoles, mais ils n’ont que des petites bouteilles. Il m’indique un autre endroit, vers une statue de condors, vers la municipalidad/mairie, là je redemande, non, on me dit d’aller voir vers un bâtiment jaune et toquer à la porte à gauche c’est un grossiste, je ne trouverai jamais où toquer. Et finalement je reviens vers la douane, il y avait un buibuis semi ambulant qui faisait des encas à manger. J’y demande si elle prend les bolivianos(monnaie Bolivie), oui, et si elle a des grandes bouteilles, non, alors commande 2 completos/hotdogs. Et … avec mon billet de 100 je lui demande la monnaie en eau, et là …. Elle va dans un autre buibuis et me sors 4 grandes bouteilles d’eau ! Je suis un peu surpris, ça fait beaucoup mais je prends tout. Je renonce à trouver à manger … en marche vers … vers je ne sais pas ce qui m’attends, un coup de tête d'être sorti du bus ! Puis lorsque je vais sur le chemin, un pick-up s’arrête et trois militaires sortent. L’un filme, l’autre reste vers la voiture et le troisième me demande ce que je fais, je lui explique et ils s'embarquent pour la gendarmerie. En gros d’après les Carabineros, il faut s’enregistrer via un formulaire car l’ascension que je veux faire est en zone internationale. L’un reste un peu là dessus et son collègue me dit que je vais avoir très froid. Le premier apprend et montre à son collègue sur son téléphone que faut faire la procédure 20j avant l’expédition et là les états d’esprit changent, ils vont me laisser passer. Ils prennent toutes mes infos (me demande si j’ai Instagram, je dis non car j’ai pas parlé du parapente) me demande ce que j’ai déjà fait comme sommet, ce que j’ai prévu, ce que j'ai comme affaire, j’ai eu un doute s’il allait vérifier mon duvet car il m’a dit -20, j’ai dit -10°(alors que c’est un 5°) … un autre arrive, il m’a l’air moyen chaud mais tous me laissent partir, l’un me donne deux chaufferettes en cas d'urgence puis une fois sorti, ils reviennent et me donnent des couvertures de survie. Ils ont fait des efforts pour parler un Espagnol facile, ou en anglais et même quelques mots de Français ! C’est tout bon, je suis enfin parti ! 11h45, je passe à côté d’un conteneur au milieu de rien, 2 militaires en sortent, ils veulent juste savoir ce que je vais faire pour pas s’inquiéter s’ils voient ma silhouette sur la montagne et me prête ses jumelles, c’est vrai qu’elles sont surpuissantes ! Vamos, la ligne droite en faux plat montant est longue ! Surtout avec mes 6L d’eau et mes 2 sacs ! Je finis par planquer une bouteille d’eau et un peu de fatra inutile dans un fossé. Il y a des petites tornades et de grosses rafales, ça donne pas envie. Puis la ligne droite arrive sur quelque chose qui monte davantage sans belles traces. Là, de 4000 à 4300m c’est un peu pénible avec mes deux sacs, pas confortable, et long ! Les distances dans ce paysage lunaire sont incroyables, ce qui semble 3km est en réalité 8km. Et là j’atterris sur un ancien village minier? en ruine mais parfois les 4 murs sont encore debout alors je camperais ici. Je pose mes affaires. L’orage arrive, peu de pluie mais pas mal de vent. Je m’assoupi un peu sous mon parapluie en boule, puis l’orage est passé, tout est calme, je fais mes sacs tranquillement et me prépare un taboulé que j’avais gardé pour les urgences, pu beaucoup de gaz dans mon réchaud. Je mange ça face à la plaine, c’est magique et magnifique. Tout plat avec plein de petits boutons qui sont des volcans et 2 gros volcans en second plans, dont un à 6100 ! Je me prépare doucement pour la nuit, 17h30. Lorsque j’ai mangé, j’ai regretté de pas avoir de compagnie. Mais sinon être là à 4000 dans l’atacama, tout seul, loin de tout, avec une vue époustouflante, c’est vraiment délicieux. Demain … demain sera une autre histoire. Partir tôt, je vise max 6h d’effort et j’espère vraiment faire le sommet … et ne sais pas où atterrir. Un petit réveil vers 20 ou 21h car il tombe quelques petites gouttes et je me rendors sous les étoiles.
Jour 73
C’est la pleine lune, ça me gâche un peu ce beau ciel étoilé à 4300 en plein désert d'Atacama mais ça me sert bien pour la suite. 3h55 réveil, j’ai pas chaud et un peu la flemme de sortir du sac de couchage. Heureusement que j’étais quand même abrité du vent, je range mes affaires. 4h30, bien habillé, c’est parti, comme ce que j’avais repéré hier mais dès les premiers pas, je galère un peu au niveau du souffle … j’y vais doucement, donc ça défile doucement, juste à la lumière de la lune, puis lorsqu’elle se couche, j’allume un court instant la frontale avant que l’aurore m'éclaire. Le chemin fait des Z mais bien trop grand, chaque ligne droite m'épuise tellement. Le soleil finit par toucher les sommets en face mais moi, ma vitesse ascensionnelle n’est pas rapide. Mes doigts n’ont toujours pas chaud, je serais dans l’ombre quasi jusqu'au ‘sommet’. C’est une lutte pour gagner chaque 50m, une lutte contre quelque chose d'invisible qui m’affaiblit dès que ça monte un peu car quand c'est plat tout va bien. 4800, j’ai de gros doutes sur mes capacités à atteindre le sommet. L’ancienne route minière, monte tranquillement, comme moi. L’odeur du souffre est légère mais présente un peu partout. Je commence aussi à sentir un peu mes jambes physiquement, c'est rare ! Maintenant ça se joue au mental, j'ai débranché le cerveau et regarde que mes pieds sans penser à rien. P'tit c**a, puis au bout d’un moment je vais mieux et je me retrouve à 5400, une grande ligne droite et 5600, depuis le début j’espérais que ça soit du catabatique (vent descendant du sommet), mais c’est du vent Sud météo … ça change mes idées et aussi maintenant, tout ce qu’il y a plus haut est enneigé, je suis en baskets et vraiment tout seul, déjà 11h (heure Chili - vent qui se renforce en journée), je fatigue quand même et n’avance pu très vite. Je décide donc de décoller en Sud, voile sur la neige, confortable. Ça décolle tout seul, mais comme j'avais prévu de décoller en Nord, je revois mon plan de vol … en vol en fonction de ce que je ressens. Quasi 2000m sous moi j’ai le fond de vallée du désert, c'est assez incroyable. Mon vol n'est pas trop turbulent et je tiens quand même assez bien en l'air si bien que j'arrive à faire le tour du volcan et atterrir là où j’ai campé, mon atterrissage n'est pas très beau mais je n'avais guère de place. Je récupère mon sac à dos de bivouac et range tout ça, tranquillement, bien content d’être ici en pleine forme. Quelques nuages sont apparus, effectivement le vent n'est pas dans la direction des prévisions, mon choix était judicieux. Le village est à portée de vue mais il me faudra bien 2h sur une quasi ligne droite sous le soleil venté pour le rejoindre. Au village, je me pose vers la municipalidad car il y a internet puis passe aux toilettes publiques où il y a des douches, ça fait du bien aux pieds et aux cheveux, puis je passe dire bonjour aux gendarmes (dire que je vais bien) puis à la frontière, je vois qu’elle est fermée donc aucune circulation, je suis bloqué ici sans pouvoir rejoindre la ville la plus proche, je n’ai pu beaucoup d’espèces (monnaie) sur moi, ça va être compliqué.