01/12/2022
1. Ô Arctique,
Toi fantomatique.
Du pic de Segla
Aux vents du grand froid.
Tes hivers norrois,
Ô pays des glaces
Ô île mythique,
Glaciale, Senja.
2. Ici soufflent
Les brises des saisons
Là ondulent
Des vagues de déraison
Sur les rocs se brisent,
Sur les rives s’apaisent
Les eaux profondes
De bleus et de ténèbres.
3. Et lorsque le ciel s’illumine
Lors du soleil qui culmine
Est l’heure du réveil de l’été
Là, la lumière
Emplit la terre
Comme l’eau d’air
Sous le souffle silencieux
Des brumes fantastiques.
4. Mais ce fut un jour
De plein soleil
Que Geir laissa
D’un jour son amour
Et fleur aux lèvres,
Trouva le sommeil
Sur l’herbe rosée
D’un col auprès du ciel.
5. Si bien qu’au réveil,
Ses yeux rivèrent
Sur la beauté du val
Du mont venté.
Et dans celle vallée
Était le village
Fjordgård, ses pêcheurs
Et ses voyageurs.
6. Geir, guetteur des siens
Guettait les arrivées
Des samis, des norvégiens
Des païens, des chrétiens.
Car tous venaient à Senja
D’or et de pierres dotés
Pour des fourrures, acheter.
7. Il observa
Allées et venues,
Des knarrs de vieux chêne
De marchands pourvus
Ou des karvs du sud
Marchands suédois
Qui amènent ici-bas
Des esclaves en chaînes.
8. Par la terre arrivent
Les samis et leurs rênes
Et leurs convois de peaux
Que convoitent les norsques.
Par la mer amènent
Les sudistes, leur veine,
Le vin contre les peaux,
Si désiré au grand nord.
9. Geir, âprement,
Entretenait son corps
En s’exerçant
Jusqu’à la sueur
Sans jamais cesser
D’être le guetteur.
S’il voyait un danger,
Il sonnerait du cor.
10. Quand en bordure,
il se suspendait,
Sans ciller, aux pierres
Jambes dans le vide
Se tenant inébranlable,
Tel roc solide,
C’étaient les vents rafales
Que sa témérité défiait.
11. Mais ce soir
Au soleil haut dans le ciel
Qui jamais ne se couchait,
Ce furent trois snekkars,
Navires de guerres
Ceints de boucliers
Aux umbos en fer
Qui arrivèrent.
12. Geir sonna du cor
De tous ses poumons
Car ce qui troublait l’horizon
Etait menace d’ores.
Jamais depuis le sud
Ne venaient jusqu’au Nord
Tant de guerriers si rudes
Aux mœurs chrétiennes si prudes.
13. Broussailles et dénivelés
Geir dévala en précipité
Tonnant à pleine voix
Que venaient les hommes du roi
Olaf Trygvasson.
Les commerçants stoppèrent,
Les archers dégainèrent,
La vie s’arrêta.
14. La flotte contourna les fjords,
Les enfants se cachèrent,
Les villageois se préparèrent
A l’arrivée de la horde.
Ces gardes venaient-il du vik
En alliés pacifiques ?
Ou sombre était leur but
Et venait le temps de la lutte ?
15. Lorsqu’au port ils arrimèrent
Les archers se firent discrets
Pour ne pas pousser à la guerre
Mais il fallait discuter.
Vint Atli l’Ancien
Fils de Hrolf l’ingénu
S’enquérir des desseins
Des hommes ici venus.
16. Les soldats ne firent montre
De la moindre hostilité
Mais témoignèrent par contre
De la plus grande amicalité
En présentant au village
La croix qu’ils portaient en gage
Pour l’offrir à Senja
Au nom de leur roi.
17. « Que le seigneur
Illumine vos visages
Car nous portons
D’heureux présages.
En tant que vicaires
Du Christ, cessez
De vous accabler
De vos mines tristes.
18. A vous nous portons
La joie, la foi, la croix
De Jesus, de Dieu.
Voici donc la loi,
En retour vous lui donnerez
L’amour exigé
Le louage qui fait loi.
Tels sont les vœux du roi »
19. Ainsi ces guerriers
venaient christianiser
les impies, les païens
D’une île au lointain.
En forces ils étaient,
Bien prêts à tirer
Les lances, les épées
Si à céder, les senjiens
Se refusaient par fierté
20. Les mots ont peu de valeur,
Les promesses d’amitié,
Seuls comptes les velléités
Qui en silence demeurent.
Qu’importe la poigne de l’ami
Si au creux de son autre main
Un poignard fermement il tient.
Les mots ont peu de valeur.