04/11/2023
Actions de grâces en péninsule ibérique
(Dans le silence de l’abbaye de Lagrasse, retour sur les dernières semaines de l’été...)
Lundi 7 août : les JMJ 2019 sont terminées depuis la veille et, tandis que les rues de Lisbonne se vident de leur exubérante jeunesse, EXULTET II débute sa dernière descente du Tage, s’arrêtant au passage devant Doca Alcantara pour embarquer le Père Marie-Olivier GUILLOU (OP), qui fut aumônier d’EXULTET lors d’un pèlerinage-éclair à Fatima en juillet 2017 et qui découvre EXULTET II, heureux de naviguer 6 ans plus t**d dans le sillage du grand frère. Joie de l’équipage d’accueillir un disciple de Saint Dominique pour entretenir la flamme des JMJ. Après un ultime salut à la Tour de Belem, joyeuses retrouvailles en début d’après-midi à la marina de Cascais des équipages des JMJ A LA VOILE : EXULTET II retrouve ULTREIA et SAINT SETIER armés par des anciens d’EXULTET. Le départ est imminent sous réserve d’avoir bouclé les « To Do List » des différents voiliers et celle du SAINT SETIER est plutôt musclée suite à la rupture d’un tube de son enrouleur de génois. Les trois équipages vont conjuguer leurs forces et leurs talents et le lendemain midi, après quelques péripéties (dont une plongée en apnée de François pour récupérer une pièce de fixation tombée dans l’eau noire par 6 m de profondeur), l’enrouleur est opérationnel : la solidarité des marins n’est pas un vain mot !
Derniers pleins d’eau et de gazole, salut à MELVAN – fier « Karaté 33 » de Guillaume B. rentré de son tour de l’Atlantique – qui met le cap vers Toulon, embarquement de Paule T. sur la patte de l’ancre et la flottille appareille et met le cap vers Nazaré. Reprise des quarts de nuit où Padre MOG et Mathilde font équipe tandis que Joseph épaule Thierry. Comme par enchantement, les alizés portugais marquent une pause, permettant à la flottille de progresser au moteur vers le nord. Mercredi 9 août, sur une mer d’huile, première messe en mer à bord d’EXULTET II, célébrée par Padre MOG agenouillé dans le cockpit. Moment intense quand s’anéantit entre les doigts du frère Prêcheur le Maître de la mer avant qu’Il ne s’élève à nos regards au-dessus de l’horizon. Au moment précis de l’élévation, le règne animal vient rendre hommage au Créateur par l’entremise d’une dizaine de dauphins qui, sur bâbord et tribord du voilier, viennent silencieusement, durant quelques secondes, dessiner une haie d’honneur que l’onde dissipe comme un songe…. Avant Vêpres, l’équipage savoure le privilège d’un topo sur la plus connue des Saintes Maries de la mer, « Marie-Madeleine » que seul un disciple de Saint Dominique peut conter avec ferveur.
L’aube du 10 août surprend le binôme de quart dans le silence ouaté d’un brouillard qui vient du large et enveloppe le Galapagos en approche de Porto. Aux premiers rayons du levant, Joseph met le cap sur l’embouchure du Rio Douro dont il franchit les passes à 07h40. Une heure plus t**d, le pont de fer de Porto est en vue et EXULTET II jette l’ancre dans un coude de la rivière à moins de 300 m du pont de fer signé Eiffel. Sitôt chantées les Laudes, mise à terre de l’équipage pour entendre la messe en l’église de ND des Victoires dont le clocher émerge de la vieille ville ; Padre MOG la concélèbre avec 3 prêtres accompagnant un groupe de jeunes Italiens de retour des JMJ. Après-midi, visite de la cathédrale au cours de laquelle nous rencontrons Théophile G. qui vient renforcer l’équipage pendant 15 jours. Ce 10 août nous réserve une dernière surprise par la visite de Vianney et de Yann, ancien équipier d’EXULTET II qui participa à la fin du chantier du voilier et à son départ de Polynésie en juillet 2022. En dégustant dans le cockpit un excellent Porto, Yann se souvient avec émotion qu’il débarquait du Galapagos à Wallis le 10 août 2022 : un an plus t**d, heureuses retrouvailles avec le voilier qui, dans l’intervalle, a parcouru plus de 18.000 miles !
Cette escale à Porto impose une halte dans le caves de la maison CALEM où, en septembre 2018, les équipiers de « Cap sur Panama » avaient mis une joyeuse ambiance… L’équipage actuel, moins nombreux, est plus discret mais n’en savoure pas moins le charme de ces caves centenaires en y goûtant le précieux nectar qui s’y épanouit dans la pénombre. Mais le marin ne vit pas seulement du fruit de la vigne et le vin des noces éternelles nous appelle à rendre grâce à Celle qui, à Cana, sut obtenir de son Fils son premier miracle. Le soir même, après deux heures de Flixbus, l’équipage débarque donc à Fatima et s’associe à la foule cosmopolite qui, sur l’immense esplanade baignée par la lueur des flambeaux, égrenne le chapelet dans toutes les langues : une nouvelle fois, nous est donné un avant-goût de la communion des saints qui nous attend dans la céleste Jérusalem. Samedi 12 août au lever du jour, Padre MOG nous entraîne sur le chemin de Croix par des sentiers où, un siècle auparavant, les 3 petits voyants se mettaient à genoux devant la Reine du Ciel. Le paysage est paisible et nous faisons monter vers l’azur les Ave, que les oliviers qui nous entourent, ont dû jadis entendre chanter par les trois pastoureaux. Retour au sanctuaire pour la messe et prier sur les tombes de sainte Jacinthe et saint Francesco ainsi que celle de la vénérable Lucie. L’après-midi voit l’équipage s’att**der dans le petit village où grandirent les 3 petits voyants avant de reprendre le bus pour Porto où une heureuse surprise nous attend: l’annexe, amarrée la veille sur un ponton réservée à la « Policia Maritima », est toujours à poste et nous permet de regagner le bord sans encombre ! Le lendemain, l’équipage assiste à la messe dominicale à la paroisse du « Christo Rei » tenue par des Dominicains : occasion pour notre aumônier d’échanger avec son confrère curé qui lui fait part de la situation préoccupante de l’Ordre des Prêcheurs au Portugal...
Après ces 4 jours d’escale, il est temps de reprendre la mer pour une dernière navigation dans les eaux portugaises. Au matin du 14 août, Padre MOG à la barre débouque le Rio Douro et met le cap vers le nord sur une mer diaphane envahie par la brume. Bercée par le ronronnement du moteur, la progression vers Viano do Castelo est indolente mais non indolore pour l’estomac de Théophile encore non amariné… Dans l’après-midi, une petite brise de noroît dissipe le brouillard, permettant de hisser génois et artimon et de laisser reposer quelques moments le fidèle BEDFORD. A l’heure des Vêpres, il faut de nouveau démarrer le moteur pour embouquer le Rio Lima, petite rivière qui baigne Viano do Castelo, notre dernière escale en terre portugaise. A 18h30, le ketch s’amarre à un ponton flambant neuf sur la rive droite et, dans le cockpit, nous assistons à la messe en la fête de Saint Maximilien Kolbe.
En cette solennité de l’Assomption, nous convergeons vers la cathédrale de cette charmante cité où nous accueille l’évêque du lieu qui invite notre aumônier à concélébrer à ses côtés la messe solennelle. Le soir même, nous retrouvons le prélat dans une église comble où sont rassemblés les fidèles au terme d’une longue procession à travers les rues de la vieille ville, derrière une imposante statue (un peu kitch…) de la Madone allant à la rencontre de son Fils en croix également porté par une demi douzaine de vigoureux Portugais. Belle image de la ferveur populaire de ce peuple dont nous gardons un émouvant souvenir.
Au matin du 16 août, nous disons adieu au Portugal mais aussi à Paule qui quitte le bord et à notre cher Padre qui débarque pour aller célébrer en terre de France le mariage d’Enguerrand (frère de Aldric et Wandrille anciens équipiers d’EXULTET). Appareillage dans la foulée pour mettre le cap vers la Galice où nous arrivons le soir même après une navigation au moteur faute de vent. Dédaignant la marina sans charme de Vigo, le Galapagos vient mouiller entre les îles San Martin et d’El Faro qui défendent la Ria de Vigo.
Le lendemain, la brise de suroît se lève enfin permettant de progresser sous voile le long des côtes espagnoles. Nouveau mouillage paisible dans l’anse de Treito Tierra offrant à l’équipage une soirée-film : au programme « La pourpre et le noir ».
Vendredi 18 août, la brume matinale est au rendez-vous mais également le vent qui forcit par le sud. Sous artimon et trinquette génoise, Joseph guide d’une main assurée le voilier dans l’entrée de la Ria de Muros blanchie par les vagues. Également malmené par les creux, l’estomac de Théophile rend grâce et nourrit les poissons…. En début d’après-midi, le ketch arrive devant Portosin, port le plus proche de Compostelle et mouille 40m de chaîne à l’ouvert de la passe en prévision de deux jours d’escale.
Samedi matin voit l’équipage embarquer dans le bus pour le second pèlerinage en terre ibérique : direction Santiago de Compostelle atteint en moins d’une heure. Nous sommes logés au « Seminario minor », grande bâtisse de type auberge de jeunesse où l ‘équipage de « Cap sur Panama » trouva refuge 5 ans auparavant. La place de la cathédrale est toujours aussi animée et colorée par les cohortes de Jacquaires qui achèvent en ce lieu saint des semaines ou mois de pèlerinage à pied, à cheval ou à vélo….L’équipage est accueilli au centre français des pèlerins et chacun se laisse renouveler par la grâce des sacrements en ce haut lieu de chrétienté. La visite de la basilique permet de vénérer les reliques du Fils du Tonnerre et seul le splendide nartex qui a été magnifiquement restauré échappe à nos regards. Le lendemain, au sortir de la messe dominicale, l’équipage peut à loisir prolonger ses dévotions, admirer le trésor de la cathédrale et se laisser envahir par le charme suranné des ruelles antiques. Le soir même, après un dernier salut au Botafumero, mythique encensoir que nous n’aurons pas vu fumer, retour en bus à Portosin, le cœur ardent et l’âme renouvelée par l’esprit missionnaire du fils de Zébédée.
Lundi 21 août voit l’embarquement de Gabriel de C. qui avait découvert EXULTET II en juin dernier lors de notre escale à Carry-le-Rouet. La brise matinale permet de quitter la Ria de Muro y Noia sous voile avant de mettre le cap vers la pointe de Fisterra où nous arrivons au moteur à l’heure du déjeuner. Joie de découvrir un large ponton d’accès libre où le ketch s’amarre solidement. En fin d’après-midi, nous prenons nos bâtons de pèlerins pour gravir la péninsule où se dresse le phare mythique de Cap Finisterre. Nichés dans l’anfractuosité de la falaise, nous y restons jusqu’au coucher du soleil, admirant l’ensevelissement de l’astre radieux dans l’immensité du désert de l’Atlantique : loin derrière l’horizon, dans l’archipel des Antilles, l’aube commence à pointer….
Aux premières heures de ce mardi 22 août, le Galapagos largue le amarres du ponton du charmant village de Cap Fisterra et poursuit sa remontée vers le septentrion, tirant des bords contre le vent du nord qui forcit, obligeant à rendre un ris dans la GV et à remplacer le génois par le yankee. La mer se creuse doucement aux abords de ces falaises déchiquetées et c’est au tour de Gabriel de découvrir sa sensibilité au mal de mer… A l’heure des Vêpres , après une belle navigation de 46 nautiques, EXULTET II entre en baie de Camarinas et mouille à une encablure d’un vieux gréement qui contemple la beauté du crépuscule dans cette anse bien abritée.
Il reste près de 60 nautiques pour atteindre la Corogne et une escale intermédiaire s‘impose ; elle aura lieu entre les Islas Sisargas, petit coin de paradis dont l’exiguïté ne permet pas d’accueillir plus de deux ou trois voiliers mais où l’équipage savoure une délicieuse soirée dans la solitude et le silence du mouillage.
A midi en ce jeudi 24 août, le Galapagos salue sur tribord l’imposante Tour d’Hercule avant de s’engager dans la Ria de la Coruna qui sera sa dernière escale en terre étrangère. En fin d’après-midi, Théophile quitte le bord pour reprendre le chemin des études et, après avoir pris un coffre de type porte-avions dans le sud de la Ria del Burgo, l’équipage se plonge dans l’ambiance de la course au large en regardant l’incontournable film retraçant la vie du plus grand marin français du siècle dernier : Tabarly !
Le lendemain c’est au tour de Joseph de prendre congé ; après 2 belles semaines de navigation, le plus jeune équipier de l’aventure des JMJ A LA VOILE reprend la route de la Vendée pour apprendre le métier affectionné par son saint Patron : bonne route Joseph, sur les traces du grand charpentier !
En fin d’après-midi du samedi 26 août, EXULTET II s’accoste à un ponton de « Marina Coruna » pour accueillir Jean-Michel qui arrive tout droit de Paris après 20 heures de Flixbus. Joie pour le kapena de retrouver cet ami de longue date et capitaine d’U-LIVENTU qui, on s’en souvient, aurait dû faire partie de la flottille de « Cap sur Panama » en septembre 2018. A défaut d’avoir débuté l’aventure à bord de son voilier, Jean-Michel assurera le quart à bord d’EXULTET II pour sa dernière traversée du Golfe de Gascogne et son arrivée en Bretagne prévue avant la fin du mois...