05/05/2021
Il y a deux ans, Maryse Condé est consacrée par le prix Nobel « alternatif » de littérature. « En France, je n’ai jamais eu le sentiment que l’on écoutait vraiment ce que j’avais à dire. Je suis habituée à être un peu marginalisée. Aussi, cela m’étonne que ce soit un pays tel que la Suède, un pays voisin de la France, qui estime que ce que je dis et ce que je suis est important. » dira-t-elle au média Jeune Afrique.
Ce prix littéraire a été mis en place suite à un scandale au sein de l’académie Nobel, qui a conduit à l'annulation du prix Nobel de littérature en octobre 2018. 109 intellectuels suédois se sont alors rassemblés pour créer un nouveau prix temporaire, incluant davantage le vote populaire. C’est donc après avoir été présélectionnée par 47 bibliothécaires suédois, puis retenue parmi les quatre finalistes à l'issue d'une consultation qui a réuni 33 000 contributions, que Maryse Condé a obtenu le prix. « Dans ses œuvres, avec un langage précis », celle-ci « décrit les ravages du colonialisme et le chaos du post-colonialisme », déclarera la Nouvelle Académie lors de l’annonce du prix à la Bibliothèque publique de Stockholm.
Maryse Condé est née Maryse Liliane Appoline Boucolon, en février 1937 à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, dans une famille qui l'a toujours poussée à lire et à étudier. A 16 ans, elle rejoint l’hexagone pour réaliser ses études d’hypokhâgne puis d’anglais à la Sorbonne, comme Paulette Nardal trente ans avant elle. Elle découvre le ""Discours sur le colonialisme"" d'Aimé Césaire, et qu'elle prend conscience de sa condition de ""colonisée"". Cette conscience ne l'a jamais quittée. A Paris, elle rencontre aussi le comédien guinéen Mamadou Condé qu'elle épouse. Avec lui, elle part s’installer en Guinée, puis au Sénégal et au Ghana avec ses quatre enfants à la suite de son divorce. De retour dans l’hexagone, elle rejoint la rédaction de la r***e ""Présence Africaine"" et publie son premier roman; ""Hérémakhonon"", dans lequel elle revient sur ses désillusions dans la Guinée de Sékou Touré. Elle poursuit ensuite une oeuvre ample pénétrée par l'empreinte du passé, autour de cet ""Atlantique noir"" qui relie l'Europe, l'Afrique et l'Amérique : ""Moi, Tituba, sorcière… Noire de Salem"" ressuscite les Etats-Unis du 17ème siècle, quand son best-seller ""Ségou"" (1984) évoque l'Afrique qui bascule dans la colonisation.
Après être retournée un temps sur son île natale, elle s'installe aux États-Unis où elle enseigne la littérature à l’université de Columbia. Elle vit aujourd'hui à Gordes, dans le sud de la France, avec son mari Richard Philcox.
Au cours d'une carrière de près d'un demi-siècle en tant qu’écrivaine, elle a publié une trentaine de romans couronnés par de nombreuses récompenses telles que le grand prix littéraire de la Femme en 1986, celui de l’Académie française en 1988 pour son livre « La Vie scélérate », récit autobiographique de son enfance, ou encore le prix Marguerite-Yournecar en 1999. Militante de la mémoire, engagée contre le colonialisme, elle a été la première présidente du Comité pour la Mémoire de l’Esclavage (2004-2009), qui deviendra le comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage, et sera remplacé par la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage. Elle est depuis membre du conseil scientifique de la FME.
#2018
En savoir plus :
https://www.rfi.fr/fr/hebdo/20170728-maryse-conde-negritude-antilles-guadeloupe-ivan-ivana-creolite-aime-cesaire
https://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20170609.OBS0501/la-colonisation-fut-coupable-de-pas-mal-de-crimes-par-maryse-conde.html
https://www.lemonde.fr/livres/article/2018/10/12/la-guadeloupeenne-maryse-conde-remporte-le-nouveau-prix-de-litterature-alternative-au-nobel_5368676_3260.html
https://www.rfi.fr/fr/ameriques/20181013-portrait-maryse-conde-nobel-alternatif-antilles-francophonie-cesaire-fanon