26/02/2024
JOURNÉES DU SOUVENIR ET DE L'AVENIR AUTOUR DE VINCENT OGÉ (JSAVO)
SI VOUS ETES DONDONNAIS.E, …
Si vous êtes Dondonnais.e, même quand vous auriez légitimement des reproches d'ordre historique ou idéologique à adresser à Vincent Ogé, vous devriez pourtant au moins connaître son histoire, l'habitation où il est né et a grandi, savoir qui il était, quels combats il a menés et comment il est mort.
NAISSANCE A MATADOR, DONDON
Vincent Ogé était un quarteron, né dans la colonie française de Saint-Domingue, à Matador, Dondon, vers 1755-56. Sa mère était, Angélique Ofré, une mulâtresse propriétaire de caféteries au Dondon épouse de Vincent Ogé père, colon blanc qui exerçait le métier de boucher au Cap-Haïtien. Selon toute vraisemblance, le jeune Vincent Ogé a, vécu son enfance avec ses jeux, loisirs & plaisirs, à Matador sur les habitations familiales auxquelles il était très attaché, et où, adulte, il revenait souvent visiter sa mère.
1790 : CONTEXTE SOCIOPOLITIQUE & ÉVÉNEMENTS
Entretemps, il était devenu un homme très instruit, qui avait étudié en France et qui exerçait notamment le métier d'orfèvre à Saint-Domingue.
Évoluant dans une société dominée par les blancs et fondée sur l'exploitation des noirs en esclavage, mais déchirée par les préjugés et les luttes entre groupes sociaux, Ogé avait ses propres intérêts à défendre. Il était très engagé. Et de concert avec plusieurs de ses amis, dont Jean-Baptiste Chavannes, un quarteron natif de Sainte Rose (l'actuelle Grande Rivière du Nord), il s'est battu à Saint-Domingue aussi bien qu'en France métropolitaine, pour que les affranchis vivant dans cette colonie française puissent j***r des mêmes droits que les colons blancs qui s'y trouvaient ou y avaient leurs intérêts, ce à quoi ces derniers s'opposaient de toutes leurs forces. Après une première phase de lutte sur les terrains politique et légal, ils sont passés à une phase de lutte armée vers le mois d'octobre 1790. Mais leur combat allait se solder par une cuisante défaite militaire entraînant la fuite d'Ogé, Chavannes et leurs amis vers la partie espagnole de l'île de Saint-Domingue.
VINCENT OGÉ & L'ESCLAVAGE
Pour la vérité et pour l'histoire, il faut cependant souligner que, dans l'état actuel de nos recherches, nous n'avons jamais trouvé un document écrit dans lequel Vincent Ogé ait remis publiquement en question l'esclavage des noirs sur lequel reposait le système colonial à l'époque, et dont il était de fait l'un des bénéficiaires.
ARRESTATION, JUGEMENT, EXÉCUTION
Suite à leur passage en territoire espagnol, Ogé, Chavannes et leurs amis furent capturés par les autorités locales. Après de nombreux échanges diplomatiques et discussions entre les Français de Saint-Domingue et les Espagnols vivant de l'autre côté de l'île, à la fin de décembre 1790 les autorités espagnoles finirent par remettre Vincent Ogé et ses compagnons à leurs homologues français pour qu'ils puissent être jugés. C'est ainsi qu'après un procès criminel organisé au Cap-Français et qui ne laissait aucune chance aux accusés de se disculper, un tribunal les condamna à mort, le 25 février 1791.
Le même jour, Vincent Ogé et Jean-Baptiste Chavannes furent exécutés au Cap où ils subirent le supplice de la roue , en présence d'une foule immense, sur la place d'armes située devant l'église catholique locale (actuellement, place de la rue 18, devant la cathédrale). Leurs têtes furent ensuite tranchées pour être exposées chacune au bout d'une pique, respectivement sur le grand chemin menant vers le Dondon et sur celui conduisant à Sainte-Rose (actuelle Grande Rivière du Nord)
AVEC LE RECUL : RÉFLEXIONS & QUESTIONNEMENTS
Cela étant, à l'analyse globale des faits de cette période, le combat et la mort de Vincent Ogé et de ses amis affranchis semblent avoir constitué, à leur façon, un véritable engrais pour la lutte menée à Saint-Domingue par les noirs "esclavagisés" en vue d'obtenir la liberté, jusqu'à ce que ces derniers chassent les colons blancs de Saint-Domingue par la force des armes et proclament l'indépendance d'Haïti le 1er janvier 1804.
Bref, après tout ce temps, quand nous pensons à Vincent Ogé et quand nous analysons ses actions, on pourrait bien se poser les questions suivantes :
- Si je m'étais trouvé à la place de Vincent Ogé, comment aurais-je agi, quelle aurait été ma position ?
- Et si Vincent Ogé revenait aujourd'hui en Haïti, que dirait-il en voyant l'état du pays et du territoire qui nous appartiennent depuis 220 ans ? Serions-nous fiers en face de lui en voyant ce que notre pays est devenu ?
ET POUR NOUS AUTRES, DONDONNAIS.ES D'AUJOURD'HUI ?
De toute façon, qu'on le veuille ou non, qu'on l'aime ou qu'on le haïsse, Vincent Ogé est et restera toujours un fils du Dondon, un enfant du Dondon, qui y est né, qui a chéri ce coin de terre à sa façon, qui savait y jouer, monter à cheval, parcourir ses pittoresques montagnes et vallées, se baigner dans ses belles rivières, s'y faire des amis et des amies, aller à l'église, etc.
Mais surtout aujourd'hui, Vincent Ogé représente un trésor, une valeur de premier plan du patrimoine historique et touristique du Dondon et d'Haïti. En ce sens, il constitue une véritable mine d'or inexploitée pour le Dondon. Si nous apprenons à protéger ce trésor de notre patrimoine, si nous savons bien l'utiliser et le valoriser, c'est une richesse qui pourra nous servir tous, nous aider à obtenir des revenus touristiques et nous aider à mieux vivre sur la terre d'Haïti, notre pays commun.
JOURNÉES DU SOUVENIR ET DE L'AVENIR AUTOUR DE VINCENT OGÉ (JSAVO)
25 février 1791 : une date que tous les Dondonnais.es devraient retenir, pour se souvenir du passé, l'analyser, en tirer des leçons, réfléchir ensemble sur leur avenir et voir aussi, mais oui !, comment valoriser et tirer profit du patrimoine qui y est lié.
C'est le sens des Journées du Souvenir et de l'Avenir autour de Vincent Ogé (JSAVO) dont, depuis 2008, l'ADA/Dondon et le COTAD ont organisé dans leur patelin, en collaboration avec la Mairie de Dondon et le Conseil d'Administration de la SEction Communale (CASEC) de Matador, plusieurs éditions autour de la date du 25 février, ce presque chaque année jusqu'en 2016.
Ce travail a déjà grandement contribué à une appropriation et une meilleure connaissance par la population dondonnaise, locale ou en diaspora, de la ressource historique patrimoniale que représente Vincent Ogé. Il a constitué une contribution importante à la mise en valeur du potentiel touristique du Dondon initiée par ADA/Dondon en 2006, ce qui depuis a aidé aussi nombre de nos "corrégionnaires" à voir leur communauté d'origine sous un autre angle et à venir y investir.
Port-au-Prince, le 25 février 2024.
Jean Vilfort Eustache
Secrétaire du Comité Exécutif
Association des Dondonnais en Action (ADA/Dondon)
N.B. Ce texte est une reprise d'une publication préparée par l'auteur en 2016 et qui avait servi dans les documents liés à l'édition de 2016 des Journées du Souvenir et de l'Avenir autour de Vincent Ogé (JSAVO).