01/14/2023
Boréal F40
Bonne lecture et Mersea à André Philippe pour ce partage d’un patrimoine vivant:)
"Le Boréal 40", 1986 - 2016
Au détour des allées de l'épicerie, je rencontre Danny qui me dit: «"Le Boréal 40" célèbre ses 30 ans.»
« Ah! 30 ans, c'est l'âge romantique, lui dis-je, savais-tu que j'ai descendu deux fois le fleuve Saint-Laurent, à bord du "Boréal 40", de Québec jusqu'à Gaspé?» Intéressé, il m'a demandé:«Écrirais-tu quelques lignes, si tu as le goût; ce serait une belle occasion?» « C'est un peu loin derrière, lui dis-je, je vais y penser.»
Le "Boréal 40" est un catamaran de quarante pieds, créé par des amoureux de la mer, des voiliers, de la construction de bateaux et de la course au large. Il a été rêvé, dessiné, mis en plan, concrétisé en maquette et mis en chantier de A à Z par une petite équipe de trois marins exceptionnels… par pur plaisir.
L'âme du projet c'est Réjean Desgagné. Il en était le créateur et le pilier. Architecte naval, il résidait à Québec, à ce moment-là. Il faut ajouter qu'il arrivait de la mémorable "Transat Québec - Saint-Malo de 1984 en compagnie de Mike Birch. L'élan était à son maximum! Le second, Augustin Cotton de Murdochville, a depuis toujours, la mer dans le sang. Lui aussi, il est concepteur de bateaux et également, un inlassable constructeur de voiliers. Enfin le troisième, était originaire des Îles-de-la-Madeleine, Pierre Langford. Il a été présent tout au long de la construction à Québec.
"Le Boréal 40", à première vue, est un voilier sobre, sans artifice, on pourrait dire que c'est un bateau austère. Il a été créé pour la vitesse sur l'eau. J'ai des souvenirs des premiers essais en mer. Au retour de la première traversée des Îles de la Madeleine vers Gaspé; j'ai vu des marins totalement éblouis.
Ainsi, j'ai eu le privilège de naviguer plusieurs fois à bord de ce bolide des mers. Je garde en mémoire les descentes du fleuve Saint-Laurent de Québec à Gaspé comme un moment marquant de ma courte vie de marin… *
L'heure du départ de Québec a été dictée par les lois de la mer, celle de la marée, la basse afin de profiter des courants descendants. Une fois, c'était de nuit sous le regard illuminé de la Vieille Capitale. L'autre fois, de jour, et on s'est retrouvé très rapidement après l'ile d'Orléans, sur une curieuse embarcation, toute en hauteur, comme un de ces insectes marins à hautes pattes; une tipule à voile, avec ses haubans, ses filets comme plancher, et surtout, c'est très confortable, malgré le peu d'espace: il n'y a pas de gîte et ça va vite.
Pour mener un tel bolide, il faut un maître à bord, c'est Réjean, le skipper. Il est un infatigable barreur et un hôte très chaleureux. C'est lui qui tient la barre tout le voyage; il est en communion avec son bateau. Il sait nous communiquer aussi son plaisir, surtout dans les moments les plus exaltants. Au sortir des îles, quand il s'élargit, le fleuve devient une mer. Les vents s'établissent généralement de l''ouest et les vagues qui commencent à vouloir danser au large de Rimouski donnent au catamaran le meilleur de ce qu'il est pour être capable se surfer à toute vitesse, en cadence, de vagues en vagues, et pendant des longues heures, aussi longtemps que la nature le veuille bien. C'est une expérience infinie que Réjean adorait nous faire partager sur son embarcation.
À la brunante ou au lever du soleil ou de nuit, on avait tous un plaisir à deviner les villages sur la côte, si familiers par la route, quand nous les traversions et si peu connaissable vus de la mer. «Tiens , c'est Mont-Louis.» «Non, c'est Grande-Vallée!» «Noon! Ça va donc si vite, même en plein Golfe Saint-Laurent!»
Et enfin, que dire de l'arrivée dans la Baie de Gaspé? Surtout au coucher de soleil, pour accoster au moment de l'apéro avec les amis rassemblés à la Marina ou mieux, plus t**d, presque de nuit, pour reprendre dans le calme, chacun sa vie de terrien.
André Philippe, février 2017
* Mes premières expériences de marin ont débuté de grandes façons dans le Projet Cap-Espoir comme accompagnateur des jeunes. Remontée du Fleuve Saint -Laurent de Gaspé à Québec, à bord de l'Élinor, un voilier danois. Juin 1983. La Course des Grands Voiliers 1984, de La Guadeloupe à Halifax via les Bermudes, sur le Rara-Avis du Père Jaouen. Mai1984, Projet humanitaire, Québec - Haïti, via New-York et les Bermudes, sur l'Élinor. Septembre1985.