04/07/2024
Il y a 80 ans, le 4 juillet 1944 : Le château d’Hélicourt a Tilloy-Floriville, cible « Noball » xi/e/4 objectif z3239 :
Les pertes civiles et les drames qui en résultent sont bien sur l’aspect le plus terrifiant de cette guerre. Le patrimoine bâti va également souffrir terriblement. Les témoins du passé que sont les châteaux de la région vont pour beaucoup ne pas sortir indemnes du conflit. Hélicourt en est un bel exemple, le site va vivre des heures sombres et être considéré par les Alliés comme un objectif qui doit être détruit.
L’OBJECTIF
Situé sur la commune de Tilloy-Floriville, il appartient à Mademoiselle Barthélémy. C’est un château de taille moyenne qui comme toutes les maisons de maître voit passer les militaires durant les périodes du conflit. Le site est relativement à l’écart et se révèle donc un lieu offrant calme et possibilité de logement pour une unité. La plupart voire la quasi-totalité des châteaux du Pas-de-Calais et de la Somme seront des lieux de cantonnement prisés. Nous ne connaissons pas précisément les dates d’occupation des périodes 1940-1943 mais l’année 1944 avec l’offensive V1 et le débarquement donnent à ce lieu une importance militaire.
Le 10 juin 1944, le P.C de la 348.ID quitte le site d’Hélicourt pour les ouvrages bétonnés (H608 - 2 x H622 entre autres) de la rue Victor Flamant à Friville-Escarbotin. Il laisse ainsi la place au P.C de la 116. Pz.D «Windhund» (division du lévrier) du General der Panzertruppen Gerhard Graf von Schwerin (1899-1980). Les Alliés ont alors pris pied en Normandie, comme tous les hauts responsables allemands s’y attendaient, Hi**er et Rommel l’ayant proclamé assez haut. Conviction qui remonte assez loin puisqu’Hi**er avait fait entamer la construction d’un P.C à Saint-Rimay, afin d’être à égale distance des cotes normandes et bretonnes. En ce qui concerne notre sujet, à savoir les V1, il faut préciser qu‘il avait par ailleurs fait rapatrier les unités du 155 Flak. Rgt du Cotentin vers la région rouennaise, ce qui n’était pas franchement dans ses habitudes. Alors, à l’heure ou tous les hauts responsables allemands, et ce malgré l’opération Fortitude ne croient pas un seul instant à une seconde invasion, on est en droit de se demander pourquoi maintenir l’arme au pied une unité telle que la 116. Pz.D. (…)
LA RIPOSTE ALLIÉE
15-20 juin 1944 : suite aux premiers tirs de bombes volantes en forêt d’Eu, la surveillance aérienne de la région est renforcée. Des clichés révèlent peut-être une activité autour de la demeure et il est évident de la suspecter d’abriter un quartier général. Comme il est situé dans la zone d’implantation des sites V, il est listé par les Alliés comme Noball XI/E/4 (Z3239 pour la R.A.F.), la lettre E désignant les postes de commandement, la lettre A les postes de tirs.
26 juin 1944 : premier raid sur ce site classé Noball. Signalons que les frappes combinées sur des châteaux ont démarré dès le 24 juin. Le 26 trois châteaux sont visés : Ansennes, Hélicourt et Merlemont. Escorté par des Spitfire de la Wing 132, un groupe de 17 Boston du Squadron 88 a décollé vers 15h28 d’Angleterre et vers 16h38, ils survolent l’objectif présumé et larguent 64 bombes de 500 livres. Des projectiles ont légèrement dépassé la cible. Les appareils ne subissent pas de tir de Flak, le ciel est bien dégagé, et le lâcher s’effectue d’une altitude de 3000 m.
L’analyse immédiate indique : « aucun impact sur cible, mais les nuages obscurcissent le site, 20 impacts à 680 m au nord. »
Les rapports de gendarmerie nous fournissent plus de précisions :« 18h00, bombardement de la commune de Tilloy-Floriville, bombes tombées sur le hameau d’Hélicourt, pas de victimes civiles, dégâts importants à la propriété de Madame Barthelemy et au cimetière. » Et « 50 bombes sur la commune d’Hélicourt endommageant l’église, le cimetière, le château et ses dépendances (écuries détruites), pas de civils tués ni blessés. » On signale aussi des bombes sur le bois de Beaumont.
Juillet : avant de monter vers la Normandie, la 116. Division de panzer s’entraîne sur la commune, des témoins assurent que Rommel serait revenu sur place, les données font défaut.
4 juillet 1944 : deuxième raid, qui doit frapper à nouveau deux châteaux suspectés d’être des états-majors, les sites d’Ansennes et d’Hélicourt. Cette deuxième position est visée par 18 Mitchell du Squadron 226 et 12 du Squadron 320 néerlandais. Le largage des 240 bombes de 500 livres a lieu vers 21h05 selon les Anglais, 23h00 selon la gendarmerie. Des impacts sont observés près de l’Aiming point182, un bimoteur est endommagé par la Flak. L’analyse photographique permet de conclure : « aucun impact sur l’objectif, 2 groupes d’impacts dans un rayon de 750 m. » Au sol, l’éparpillement des bombes atteint des civils au hameau d’Hélicourt. L’attaque nocturne semble avoir surpris et les Allemands et la population civile. Un rapport de gendarmerie confirme l’étendue des frappes collatérales : « une maison détruite, 5 inhabitables, on compte 11 tués et 2 blessés. »
L’un des deux blessés décédera ultérieurement. Le monument aux morts comporte ainsi les noms de douze civils tués, lourd bilan pour la commune de Tilloy-Floriville qui ne compte que 300 habitants à l’époque.
• quatre membres d’une même famille tués dans leur maison : Eugénie Wattebled, née Toutain, 64 ans, Micheline Wattebled, née Belleville, 38 ans, René Wattebled, 42 ans et le petit André Wattebled, 11 ans. Il faut signaler que cette famille avait déjà perdu Alice en 1940.
• une autre famille décimée : Roger Martin, 24 ans, son épouse Suzanne (née Fatien), 22 ans et leur fille Anne-Marie âgée d’à peine trois mois…
• Ghislaine Roussel, 6 ans, tandis que sa mère Lucette âgée de 27 ans est blessée.
• Hélène Deriviere, née Gosselin, 58 ans.
• Gilbert Humel, 8 ans, dans une ferme du village.
• André Auguste Salomé, 30 ans, ouvrier
• Alfred Herbert, 64 ans, (décède des suites de ses blessures.
Pertes allemandes : au moins quatre sous-officiers du 116. Panzer sont tués dans les environs du château. Ils sont inhumés de nos jours au cimetière de Bourdon (Somme) :
- Eugen ALTES, 33 ans
- Friedrich GROHNERT, 28 ans
- Bruno KEHR, 37 ans
- Felix PRESCHER, 34 ans
11 juillet 1944 : troisième raid, encore une fois deux châteaux du secteur sont attaqués en même temps. Cette fois-ci les bimoteurs appartiennent à la 9th Air Force américaine. Malgré une météo très nuageuse, deux Marauder Pathfinder précèdent dans le ciel d’Hélicourt 32 Douglas A-20 Havoc du 410th Bomb Group. Opérationnel depuis le 1er mai, il s’agit de la 70ème mission de cette escadre de bombardiers légers. Vers 16h30, grâce aux équipements spéciaux des éclaireurs, le bombardement se fait en aveugle malgré la nébulosité de 10/10°. Les huit bombes marquantes de 500 livres sont larguées, suivies par 167 bombes de 500 livres tombant d’altitudes comprises entre 3750 et 3900 m. Forcément, les résultats ne peuvent être observés. L’escorte de P-38 du 367th F.G. n’a pas à intervenir. Au sol une nouvelle fois la cible échappe aux bombes. Le rapport de gendarmerie précise : « 11 juillet vers 13h30, 100 bombes ont été lancées sur le hameau d’Hélicourt, commune de Tilloy-Floriville, dégâts aux maisons importants, pas de victimes. » (Extrait de "Offensive V1 entre Bresle et Yères, 1943-1944")