18/10/2024
Dans l’hôtellerie, toutes gammes confondues, le prix moyen d’une nuit d’hôtel a bondi de 26 % depuis 2019, selon les données du cabinet MKG, basées sur 2 400 établissements en France. A Paris, cette hausse est plus marquée : 37 %. Une nuit dans un trois-étoiles coûte désormais 134 euros en moyenne dans le pays, contre 97 euros en 2019. Le tarif moyen d’une location sur Airbnb, en France, a connu une augmentation de 39 % depuis 2019, selon les données extraites par le cabinet AirDNA. Quant au prix moyen d’un billet d’avion vers l’étranger, depuis la France, il s’est renchéri de 32 % entre 2017 et 2023, selon la direction générale de l’aviation civile.
Autre illustration : le prix des séjours au ski. Pour six jours de remontées mécaniques aux Gets, une station de taille moyenne en Haute-Savoie, il faudra compter, cet hiver, 291 euros par adulte, soit une hausse de 28 % en cinq ans. A Val-Thorens (Savoie), parmi les stations les plus chères des Alpes, ce tarif atteint 320 euros (contre 250 euros pour le même forfait lors de l’hiver 2019-2020). Les colonies de vacances ne sont pas épargnées. A l’été 2022, une semaine de tennis à l’UCPA en Seine-et-Marne était proposée à 620 euros. Deux ans plus t**d, ce même séjour est à 740 euros (+ 20 %).
Newsletter
« Les débats éco »
Les débats économiques de la semaine décryptés par « Le Monde »
S'inscrire
Les professionnels avancent de multiples arguments pour justifier ces hausses : flambée des prix de l’énergie, des matières premières, de la blanchisserie, des coûts de transport ou remboursement des prêts garantis par l’Etat accordés durant la pandémie… Le tout combiné à des augmentations de salaires accordées pour attirer des employés, alors que ce secteur fut déserté par les candidats après le Covid-19.
Montée en gamme
Dans certains cas, la hausse des tarifs reflète aussi des opérations de rénovation. C’est le cas pour les Center Parcs, engagés dans un vaste de plan de rénovation de leurs villages. Résultat : une nuit dans un cottage coûte en moyenne 178 euros (chiffres 2023), contre 137 euros en 2019. « Tous les acteurs du tourisme veulent monter en gamme, parce que c’est plus rentable. Mais ce faisant, on abandonne des segments de clientèle, observe Jérôme Pasquet, président des Villages Clubs du Soleil. Ce sont des millions de clients domestiques en moins, qui se compensent en partie par des clients internationaux. »
Ces augmentations de prix ont aussi permis à certains d’améliorer leurs marges. Dans l’hôtellerie, les résultats d’exploitation ont connu une progression nette au cours de ces cinq dernières années, selon le dernier baromètre de l’industrie hôtelière réalisé par KPMG. En particulier pour les hôtels quatre étoiles et plus. Ainsi l’hôtellerie est désormais le secteur le plus recherché par les investisseurs immobiliers. D’autant que le haut de gamme semble échapper à la crise, porté par la croissance de la clientèle étrangère, et par des vacanciers peu sensibles aux hausses de prix.
Face à ces coûts plus élevés, les Français partent moins loin, moins longtemps, moins souvent. « Mais davantage dans l’hébergement non marchand, c’est-à-dire chez la famille ou des amis », observe Didier Arino, dont le cabinet, Protourisme, réalise chaque année une enquête sur les vacances des Français. Ainsi, dans les villages vacances VVF, les durées moyennes raccourcissent, avec « de plus en plus de séjours de quatre à cinq jours et de moins en moins de séjours d’une semaine ou plus », illustre le directeur de ce réseau, Stéphane Le Bihan. Les choix de villages se font davantage à proximité du domicile, et les clients les moins fortunés ont « disparu ». En revanche, « on récupère ceux qui allaient dans des clubs ou campings de gamme supérieure, mais qui sont refroidis par les tarifs », explique Stéphane Le Bihan. Dans ses villages situés à la montagne, les familles « prennent deux ou trois jours de forfait et, le reste du temps, font d’autres activités moins chères, de la randonnée, de la luge », raconte-t-il.
« Ne pas sortir sa carte bancaire en permanence »
Signe des temps, le système d’échange de maisons, qui fait partie de cette galaxie touristique « non marchande », a le vent en poupe. HomeExchange, 175 000 membres, enregistre une croissance de son nombre d’adhérents « de 50 % par an depuis trois ans », indique son président, Emmanuel Arnaud. Cet été, le nombre d’échanges finalisés en France a bondi de 34 % en un an. « La motivation principale est cette volonté de partir pour pas cher. Notre cœur de cible, ce sont les familles avec enfants et notamment les enseignants », précise-t-il.
Autre niche qui en profite : le « tout-compris ». Les clubs de vacances proposant de la pension complète ou de la demi-pension réalisent de bonnes performances. « On paie tout avant, la nourriture comme les activités pour les enfants, alors il y a cette idée qu’on maîtrise son budget. On n’a pas à sortir sa carte bancaire en permanence », raconte Alexis Gardy, président du réseau de clubs Belambra, qui a enregistré une hausse de 9 % de sa fréquentation cet été. Sur Airbnb, la location de très grandes maisons, où plusieurs familles peuvent partager les frais, est également plus recherchée.
« La fracture s’élargit entre ceux qui ont la culture des vacances et vont dépenser de plus en plus pour voyager – quitte à partir un peu moins souvent –, et ceux qui ne partiront plus, parce que les prix ont trop augmenté », observe Jean Pinard. Lui s’inquiète de la manière dont les géants du numérique, de Netflix à Amazon, empiètent sur un temps libre jadis consacré aux loisirs et aux vacances. Pour le tourisme, la bataille pour reconquérir des clients se joue aussi ici.
Jessica Gourdon
Hôtels, vols, loisirs, parcs d’attractions… Les hausses de prix depuis cinq ans ont été largement supérieures à l’inflation. Le secteur du tourisme espère tirer parti des vacances de la Toussaint, qui démarrent samedi en France.