19/08/2024
Alain Delon. La première fois que je l’ai vu, j’avais 20 ans, je commençais à Paris-Match. Le journal m’avait envoyée, petite stagiaire de rien du tout, lui montrer la maquette de l’article qui lui était consacré afin qu’il l’approuve ou pas. Juste griffonner un ok sur chaque page. Il fallait être à huit heures (du matin) au studio où il tournait. Pas une minute après... Alain Delon n’attendait pas. Personne ne désirant se lever si tôt au journal, la mission m’avait été confiée. Je suis arrivée, tremblante. Il a déboulé sur le plateau. Sur une grosse moto, pieds nus dans ses mocassins, jean, pull marine, pas rasé, lunettes noires. Mes genoux se sont pliés en génuflexion. Il était beau au-delà du beau. J’ai baissé les yeux. Peur de me brûler. J’ai tendu la maquette, il a dit ok, est passé au maquillage. Je suis repartie, tout embrouillée, aveuglée par l’homme trop beau pour être vrai. Des années après, j’ai rencontré Mireille Darc. Nous sommes devenues amies. Elle m’appelait « petite sœur », je m’enroulais dans sa tendresse, sa générosité. Elle me racontait sa vie avec l’homme sur la moto. Elle se réveillait la nuit pour le regarder dormir, se demandait comment elle avait pu séduire ce soleil noir, monstre de cinéma, monstre d’homme à qui elle avait dédié sa vie, renonçant à tout, jusqu’à se nier elle-même. « Tu ne peux pas comprendre, c’est un être hors normes, il a sa morale... à lui ». Je m’insurgeais, « mais toi ? Tu t‘es oubliée en lui ! ». Elle me regardait comme si je ne pouvais pas comprendre. C’était impossible. Comme un trou noir, il absorbait tout sur son passage. Imposait sa loi. Je me suis longtemps insurgée et puis, j’ai plié devant son entêtement à aimer jusqu’au bout cet homme qui brûlait la vie, les femmes, les hommes, les repères et qui, un jour, l’avait quittée. Mimi, c’est à toi que j’ai pensé ce matin quand j’ai appris la mort de ton astre solaire. Au sourire que tu as perdu quand il t’a quittée. À ton cœur qui s’arrêtait de battre quand tu décrochais et que c’était LUI. Tu as tenté de survivre « après ». Tu t’es convaincue d’un bonheur qui n’existait plus puisqu’il n’était plus là. Puisque la vie n’avait plus de goût...