05/11/2024
Laura Gozlan poursuit à travers cette série de sculptures son travail autour du corps-prothèse, tout en replaçant ces enjeux dans un champ où ce qui restait de la chair a disparu, se concentrant sur des aspects plus proches de l’ossature, de la carcasse. Les pieds tubulaires au mouvement ondulé qui soutiennent les formes moulées au-dessus du sol, comme des sortes d’échasses ou de béquilles, jouent d’une tension entre la stabilisation et la précarité ; comme si ces corps-objets, rescapés d’une catastrophe, avaient pris en main leur propre mouvement. Placées dans un équilibre incertain (elles ne semblent avoir ni haut, ni bas, ni gauche ni droite), toutes les sculptures forment des silhouettes spectrales et en même temps incarnées. A l’image des excroissances tubulaires qui s’échappent de certaines d’entre elles comme des sortes de branches coupées ou des cordons ombilicaux, ou encore de ces protubérances gélatineuses en formes de corolle ou de nageoire, leur mouvement oscille entre l’inertie de l’inorganique et
un érotisme mutant. Contrairement à l’alien, progéniture sans contours fixes de la mère archaïque,
qui change de forme à mesure qu’il acquiert de la maturité, les « larves » de Laura Gozlan se complaisent dans un état d’immaturité, réfutant l’accession à un stade d’évolution qui inscrirait leur cohérence dans un règne de la différence, des genres ou des espèces : les formes semblent grandir par greffes d’altérités, par
agglomération de corps étrangers, reproduisant et dupliquant leurs propres difformités. Ici l’impossible reconnaissance de l’identité de ces corps sans
contours, réengage les motifs de l’abjection omniprésents dans le travail de l’artiste. Toutefois, il s’agit plutôt ici de décrire une métamorphose, une fuite du corps hors de lui à travers l’objet, un mouvement décentré qui vient contester l’accaparement de la libido à des fins productivistes et reproductives, retournant
le prédateur en potentiel allié. L’objet, flottant à la frontière entre monde interne et monde externe est devenu le refuge d’affects et de pulsions proliférantes.
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