30/10/2024
Lettre ouverte à Audrey Azoulay
Si vous n’intervenez pas pour mettre un terme à la destruction de notre patrimoine humain, je vous tiendrai complice de cette extermination.
Par akl awit
Madame Audrey Azoulay,
La politesse m’oblige à débuter cette lettre par des formules de courtoisie—« J’espère que cette lettre vous trouve bien », « Puissez-vous être en bonne santé ». Voilà. C’est dit. Point final. Allons maintenant à l’essentiel.
Dès le titre, le message est limpide : Baalbek est assiégée. Tyr, Saïda, et d’autres également. Ouvrez vos dossiers, lisez-les attentivement et comprenez pleinement la gravité de ce que je vous rapporte.
En tant que 11e Directrice générale de l’UNESCO et seulement la deuxième femme à occuper ce poste, vous êtes investie de la mission de protéger le patrimoine culturel de l’humanité. C’est un rôle d’une immense responsabilité.
Mais la question qui nous préoccupe est urgente. Baalbek est en péril. Dois-je expliquer son importance, l’ampleur de l’injustice qui lui est infligée ? Dois-je détailler ce que représente Baalbek pour l’humanité afin que vous mesuriez l’ampleur de la destruction infligée par cet agresseur brutal, face auquel le monde se tait honteusement ?
Madame, vous devez revoir vos priorités, en écartant tout calcul politique. Ne vous laissez pas entraîner dans les « jeux politiques » orchestrés par les puissances, notamment au Liban et en Palestine. À défaut, vous exposez les pierres anciennes de Baalbek, ainsi que celles de Tyr et de Saïda, à une ruine apocalyptique.
Devant cette situation, vous devez agir immédiatement pour prévenir cet anéantissement de l’héritage de l’humanité. Je vous exhorte à sortir de cette passivité, de ce qui s’apparente presque à un sommeil inconscient.
Baalbek hurle sa douleur, et je suis ici pour vous transmettre l’angoisse gravée dans ses pierres, ce chagrin qui résonne à travers l’histoire. Ne méprisez pas ce cri.
C’est, Madame, un cri blessé au cœur même de sa dignité et de sa fierté. Écoutez-le.
Ne sous-estimez pas la gravité de mon ton. Ce message doit vous parvenir par tous les moyens possibles, car face à une telle violence, les mots seuls sont souvent impuissants.
Nos appels culturels à la paix, nos suppliques pour éteindre ce volcan de mort et préserver l’héritage universel—ces cris n’atteignent plus le monde.
Depuis une terre marquée par les ruines, je vous écris. Notre patrimoine, nos chansons, notre poésie, nos rituels, nos légendes, notre âme collective—tout est menacé d’effacement.
Venez au Liban. Maintenant. Venez et soyez témoin.
Vous devez agir avec une audace hors du commun, un courage à la hauteur de cette tragédie.
Dénoncez cette honte mondiale ; exigez que cela cesse. Cette destruction volontaire de notre mémoire historique et culturelle s’apparente à un véritable génocide.
Est-ce ainsi que vous souhaitez que l’histoire se souvienne de votre mandat à l’UNESCO ? Avec le sceau de la honte suprême ?
Madame Audrey Azoulay,
La courtoisie m’impose de m’excuser. Je le ferai lorsque vous aurez pris les mesures extraordinaires nécessaires pour mettre fin à cette extermination culturelle.
Vous devez empêcher cette destruction. Sinon, l’histoire se souviendra de vous comme de celle qui est restée silencieuse, complice.
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